Cinquième partie

–> PLAY : “… et Sylvie a…”

Merde !

–> REWIND / PLAY : (…)

Et ben voilà… gagné ! Y a plus rien qui marche. Comment je vais faire sans mon dictaphone ? Ah ! Il faut que je révise ! Hier encore, j’ai réussi à enregistrer une heure de conversation. J’ai trouvé un moyen radical pour que Sylvie ne raccroche pas. Y a encore quelques trucs à travailler, mais je suis sur la bonne voie. J’ai attaché Béatrice, mais je ne l’ai pas bâillonnée. J’ai mis un couteau sous son menton en lui mettant l’écouteur de mon dictaphone dans l’oreille. On a essayé avec la touche “2”, et ça a marché. “Chéri” ne l’attend pas avant trois jours à cause d’un voyage d’affaire en Italie. Par contre, quand Sylvie a appelé, Béatrice s’est mise à hurler “Au secours !” et j’ai dû rappeler trois fois avant de lui faire dire ce qu’elle entendait dans l’écouteur. Elle a juste rajouté “oui, c’est lui”, mais elle a tenu vingt-quatre minutes avant que Sylvie ne raccroche. Si mon dictaphone ne marche plus, je ne pourrai plus réviser, et Béatrice n’aura plus rien à dire. C’est une catastrophe ! Qu’est-ce que je vais dire à Sylvie ? Allez, allez, fais un effort, tu es Béatrice, tu mets ton stylo dans ta bouche, tu regardes le plafond : tu réfléchis ! C’est comme ça qu’elle trouve des idées ! Une fois, elle a mis son stylo dans sa bouche, elle a regardé le plafond et elle a allumé son ordinateur. Elle trouve toujours une solution. Allez, réfléchis, Béatrice !

LES PILES !!!! Il faut changer les piles ! Ah, ah ! À nous deux, je ne me laisserai pas avoir par la dictature du dictaphone. Où y a des piles, ici ? Tout est blanc partout, trois bancs, un chiotte. Il a fallu que je m’arrache tous les ongles pour que les policiers me redonnent mon dictaphone ! Ah, tu penses, ils n’ont pas dû changer les piles. J’ai plus de piles, et j’ai plus d’ongles. Qu’est-ce que j’ai bien pu faire hier ? Le micro-onde, ça je m’en souviens, et puis le chien, oui, oui, et puis je suis arrivé au bureau. Pour sûr, c’était pas un jour comme les autres. Le patron était là. D’habitude, le patron n’est jamais là avant 11 heures. Il était avec des policiers, y avait même Sylvie, elle tremblait comme la photocopieuse couleur après trois cent trente-quatre copies recto-verso. Elle m’a montré du doigt, le patron m’a harcelé de questions. Il m’a demandé dix-sept fois “Où est Béatrice ?”, et les policiers ont fumé six cigarettes. Deux d’entre eux ont jeté leur mégot par terre. J’ai pris leur cendrier, et j’ai soufflé dessus. Ils m’ont plaqué contre le sol. Il y a deux prises de courant sur le mur de gauche. Le patron a avoué qu’il n’avait pas la clé des archives. Le policier a pris mon trousseau qui compte treize clés, dont deux rouges, et trois bleues. Il a réussi à ouvrir le local au bout de huit minutes. Il a essayé toutes les clés rouges et une clé bleue. Sylvie a hurlé “Béatrice”, et elle s’est précipitée dans le local. Je me suis levé, j’ai essayé de prouver à Sylvie que la vraie Béatrice, c’était moi, et que l’autre, elle n’avait pas téléphoné depuis plus de trois jours. Après, je sais plus.

Des piles, il me faut des piles. Je vais m’arracher un œil, on va voir si ça marche. On va voir au bout de combien d’yeux arrachés ils accepteront de me donner des piles.

“DES PILES, DES PILES, DES PIIIILES, DES PILES…
– Oh, putain, donne-lui des piles, il va s’arracher les yeux ! Le médecin n’arrive pas avant quatre heures. J’en ai marre de nettoyer son sang, et les autres, ils vont commencer à flipper.
– DES PIIIIILES, DES PILES, DES PILES, DES PILES…
– MERDE, les voilà tes piles !”

Et beh, je suis de plus en plus efficace. Même pas besoin de m’arracher quoi que ce soit. C’est beau, l’expérience ! Allez, quatre piles. Vite, révision, et après : action !

–>PLAY : “… et Sylvie a pris son sac à main pour me taper sur la tête. Elle m’a donné neuf coups de sac à main. Trois des policiers m’ont poussé en dehors du local. J’ai mis en route toutes les photocopieuses, puis j’ai couru jusqu’au bureau de Béatrice. J’ai montré au patron les deux cent trente-cinq trombones, le verre d’eau, j’ai appuyé sur la touche “1” pour commander une autre quatre fromages au cas où les policiers mangeraient au bureau à midi. Ils se sont tous mis autour de moi pour admirer mon travail. Ils se sont mis à hurler comme le chien derrière la grille. J’ai pissé sur celui qui hurlait le plus fort. Il ne m’a pas pissé dessus. Les policiers ne sont pas comme les chiens, ils ne pissent pas sur les passants en guise de reconnaissance. Ils prennent des matraques et les testent sur les têtes. J’ai reçu trois coups de matraques, et je me suis endormi. J’ai dormi cinq heures et trente-deux minutes. La pendule de la cellule a trois minutes de retard. Il y a deux ivrognes endormis, et une femme en mini-jupe. Il y a quatre-vingt-trois barreaux sur la grille de la cellule. Les ivrognes dorment quinze minutes en moyenne et se lèvent pour pisser contre le mur. J’ai pissé sur un des ivrognes en guise de reconnaissance. Il m’a donné un seul coup de poing, et j’ai redormi une heure. J’ai mangé un sandwich au jambon. Je me suis arraché les ongles en commençant par le pied gauche. Les policiers m’ont redonné mon dictaphone. Le policier qui testait les matraques a passé trois quarts d’heure au téléphone. C’est moins bien que Béatrice. Demain, j’achèterai un nouveau micro-onde.”

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