[DIRECT LIVE] – 024

Au fond, ce n’est pas si grave si on aperçoit à ce stade comme tout prend forme, puisque j’en ai besoin. La question de l’hôpital psychiatrique pourrait revenir. Il en était question au début. Ce serait bien d’y revenir. Pour ce faire, nous n’avons plus à inventer. Tout est sous les yeux. L’étrange difficulté qu’ont ces enfants, parfois, d’écouter. Ils savent faire. Ils peuvent faire. Et voici qu’on en parle à demi-mot. « C’était bizarre ». « Il arrive. On est toutes avec lui et on fait un câlin tous ensemble ». Quelques mots seulement. Je ne suis pas là pour faire parler. Tout se dit avec simplicité. Ce sera sans doute quelques épisodes, comme celui-ci. Je ne fais plus qu’accumuler de la matière et les dés jetés œuvrent. On n’a jamais trop de matière. La vie s’oriente doucement. Mon point de vue change. Ou plutôt, je sens que mon point de vue change. Je sens que le monde m’apparaît autrement. Sans surprise, j’avais sans doute tout mis à l’envers, comme lorsque je sors d’une station de métro, avec ou sans plan, pour la première fois. Je me trompe. J’hésite, je pars peut-être dans le bon sens, puis je reviens, puis je repars, puis je traverse, puis je regarde encore le plan, et depuis l’ère des smartphones, l’appareil tendu face à l’horizon pour essayer de comprendre où est le Nord, puis je me décide, et ce n’est jamais la bonne direction. Je reviens dans l’autre sens. Et pour les choix de la vie, c’est pareil. D’abord l’errance, puis la conviction que c’est cette voie qu’il faut suivre, puis des essais, puis des échecs, et j’arrive à la conclusion que je me suis trompé. D’un coup, je me suis investi dans un domaine alors que c’était peut-être le piège à éviter. Il n’y a pas de mode d’emploi. Cela prend parfois plusieurs années. Oups. Désolé. C’est une erreur au démarrage. Je vais tout réparer. Puis tous les débuts reviennent. Tous les choix. Tout est maladroitement réalisé, à cause de cela. Et je le vois partout. J’ai fermé les portes. Puisqu’il est impossible de saisir l’intégralité de ce qui se passe, ni même d’en saisir l’immédiateté, alors qu’entre chaque phrase, d’un document à l’autre, tentant d’y voir clair, les pensées s’envolent. Avec elles, tant de situations, tant de noms. Je ne veux pas en parler. C’est une partie du passé. Ce qui fait face, c’est autre chose, c’est mon besoin de ne plus avoir à expliquer à qui que ce soit ce qui arrive, parce que je ne veux pas le savoir, je veux laisser ouvert toutes les possibilités, sans craindre d’être déjà dans le paradoxe de tout ce qui tombe, même entre ces lignes, alors qu’elles n’ont pas d’autre objectif que de compléter, au risque qu’elles ne servent jamais à rien, car c’est bien une des données qui ont changé. Cela aussi, j’ai mis plusieurs années à le comprendre et à l’admettre. Le comprendre, c’était facile. L’admettre, plus long, plus fastidieux. Avec une question à laquelle il sera peut-être inutile de répondre : « Qui d’entre nous était le soignant ? ».

À suivre…

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