[AF] – Tout se serait passé différemment si nous en avions parlé en amont

Une fin de la réunion, ce n’est pas très compliqué, parce c’est toujours un peu pareil. Tout le monde est fatigué. Il y en a trois ou quatre qui sont partis parce qu’ils avaient soi-disant un rendez-vous. Les sujets les plus épineux sont venus en dernière partie, le temps que les langues se délient, et puis ce n’était pas prévu, on n’a plus le temps, on en parlera la prochaine fois, et le directeur s’en va, et la coordinatrice le suit, et les agents se dispersent à différentes vitesses, et certains restent sur le trottoir, fumant peut-être une cigarette, ou semblant juste attendre, comme ce que j’ai appris à faire. En fait, je l’ai toujours fait mais j’ai appris à mieux le faire. J’arrive toujours avant tout le monde pour voir ce qui se passe juste avant, puis je reste pour écouter, rencontrer, poser aussi une parole. Forcément, avec ce qui venait de se passer, on avait besoin de partager un peu. On fait tous une sorte de bilan, ou plutôt, ce que nous aimerions voir continuer s’exprime, et quelques personnes parlent plus que d’autres, peut-être à cause de la mauvaise conscience qui agit.

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[AF] – Notre mission est bientôt terminée

Les niveaux fictionnels sont ce qui génère notre fonction créatrice. Ils sont différemment déployés selon les réseaux que nous empruntons. Nous avons conçu un nouvel espace de circulation devenu véritable base arrière de nos intimes préoccupations afin d’alimenter notre système interne. Nous supposions de cela de nombreuses conséquences avec, en ligne de mire, la fin d’un dictat qui, trop longtemps, nous avait gouvernés. Il avait pour cela suffi de former une première entité fondée sur une parfaite égalité. C’étaient comme des secteurs auxquels nous allions laisser toute liberté d’agir. Nous formulons le constat que le mouvement que nous attendions s’est tout simplement inversé. De la loi du plus fort nous sommes passés à la loi du plus nombreux. Tout ce qui a été initié depuis ne nous fait qu’espérer que nous avons pris là une bonne décision. Nous nous doutions qu’il allait y avoir quelques surprises. Des paroles qu’on n’entendait plus ont ressurgi. Des thèmes, aussi, étrangement étouffés par une vision unique de ce qu’aurait été la puissance, se sont développés. Tout cela est dû aux élections qui ont vu leur principe s’adapter. Nous avons aujourd’hui un nouveau mode de fonctionnement, parfaitement opérationnel, entièrement autonome, en grande partie virtuel, car cela, il ne faudra pas l’oublier : ce qui nous importe est l’impact de la virtualité sur la réalité et vice versa. Alors, c’est de cela dont nous devons nous réjouir : la variété des formes d’actions qui se profilent sur tous les plans est en train de gagner du terrain.

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[AF] – L’heure a sonné

Pour votre première journée, nous avons un exercice extrêmement formateur. Nous l’avons testé sur des souris et ça marche à tous les coups. Double lecture de notre situation. Deux lieux d’enfermement. Comme deux asiles d’aliénés. Il suffit de décrire ce que vous avez sous les yeux.

Il faisait si beau. Le soleil toute la journée. On était presque en vacances déjà. Comme un souvenir de l’été. Comme un air qui ne quitte pas la fenêtre.

D’abord, on se dit « ah bah oui, c’est pratique ». Il n’y a plus qu’à copier et coller. Tout est disponible, et sincèrement, ça ne coûte pas grand chose. Seulement quelques euros par mois. Et les mois défilent. Et on ne fait que payer bêtement, parce qu’en fait, le format ne convient pas vraiment. C’est toujours la même chose. La machine se met à décider à notre place à partir de quand on aimerait que ça s’arrête, mais au fond de nous, on n’a pas envie que ça s’arrête. On veut que ça ne fasse que durer.

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[AF] – La maltraitance

Il y a longtemps que je n’étais pas allée à une réunion de service. Certains semblaient presque étonnés de me voir. Il n’y avait pas grand monde. Au fond, je me doutais un peu que les réunions ne concernaient plus que quelques affidés.

Alors, bien sûr, je vous passe les détails d’hygiène : il était en retard, avec, sous le bras, sa collaboratrice attitrée (c’est celle qui s’est autodésignée – Le directeur avait une technique facile, il disait : tant qu’il n’y a personne qui se présente, la place reste vacante et le travail n’est pas fait, alors, au bout de quelques mois, il y avait toujours quelqu’un qui se proposait, et elle, elle était là depuis de nombreuses années). Il nous fait changer de pièce pour avoir plus chaud. Il n’y a que lui qui avait froid.

Il rappelle quelques règles auxquelles il tient absolument. Ne vous adressez pas au DRH directement. Il fait un portrait terrible du gars en question. Ça donne pas envie de lui écrire. Il vaut mieux que tout passe par lui. Je lance tout de même une petite rumeur dans les rangs. Le DRH n’est pas dans la pyramide hiérarchique. Il n’est pas notre supérieur. Il est censé appliquer strictement la loi, et répondre à nos demandes dans la mesure de ses moyens. Les demandes sont individuelles. C’est un droit, que nous avons tous, de s’adresser à lui, et il ne faut pas s’en priver. Certains me répliquent que ça va souvent plus vite quand on passe par le directeur. Oui, quand il a envie. Sinon, ça traîne sur son bureau et vous, vous attendez. D’ailleurs, remarquez ce qu’il vient de dire : certaines requêtes auraient été tout simplement refusées. J’ai demandé à qui, et il n’a pas su répondre. Ce n’est pas parce que c’est un secret d’état, c’est parce que ce n’est pas vrai. Ce type nous balade dès qu’il ouvre la bouche. Il parle de lois très compliquées, de chartes qui circuleraient auxquelles on aurait à se soumettre, d’alinéas dans les contrats d’assurance qui permettent qu’un jour, il refuse ce qu’on lui propose, et l’autre, il nous impose une idée farfelue.

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[MATP] – J’entre dans le combat par le plus grand des portails

Dès le lendemain matin, le Général Popov se présenta de lui-même dans les bureaux du Grand Nicolas. Il savait, pour avoir lui-même bénéficié de cette mesure d’urgence, ce qu’il était advenu du précédent DGS, et qu’il aurait beau chercher à formuler une excuse à ce qui allait être estimé comme la marque d’une faiblesse inacceptable, il serait remercié sur le champ et bientôt remplacé s’il n’apportait pas lui-même la formulation qui le sauverait. Il avait eu toute une nuit pour réfléchir au moyen d’échapper au pire, et sa décision était prise. Il allait faire vibrer la fibre émotionnelle, pleurant de ne se sentir être qu’un déraciné qui aurait espéré retrouver les paysages de son pays dans la grandeur de sa fonction. Il se l’était avoué sans honte : sur l’aspect fondamental qu’il était censé manipuler, il avait échoué, mais il ne serait pas encore celui qu’on allait sacrifier.

Depuis quelques mois qu’il avait été nommé Super Directeur, il avait goûté de près à l’administration que le Grand Nicolas avait développée et dont il était, en quelque sorte, le dernier échelon avant que l’on soit plongé dans la masse salariale informe et revendicative. Il avait appris qu’en ne s’opposant à rien de ce qui était proposé, il était plus simple, ensuite, d’être porteur d’une requête quelconque, surtout si celle-ci ne dépassait pas outrageusement la ligne budgétaire qui lui était allouée. Alors, la plupart du temps, il ne disait rien qui puisse rappeler son existence à ses supérieurs, à part, bien sûr, un salut bien placé avant ou après une réunion de service. Lui qui avait connu des administrations bien plus autoritaires, il avait l’impression d’être dans un club de vacances, même si, — et c’est sans doute ce qui avait permis qu’on lui confiât cette mission —, il avait bien flairé qu’ici, on souhaitait en finir avec ces idées jugées dépassées de toujours vouloir tout rendre égalitaire et démocratique. Le Grand Nicolas lui avait clairement dit qu’il attendait d’un chef de service qu’il ne se laisse pas faire et qu’il sache imposer une vision nouvelle de l’administration comme étant la seule à décider, et, de fait, la seule à régner. Le Général Popov s’était donc aisément saisi de l’opportunité de se placer bien au-dessus de ses compétences, pensant qu’il viendrait vite à bout des graines de révolutionnaires qui partout laissaient de mauvaises herbes s’incruster sur le territoire qu’on lui avait confié. Il savait, aussi, qu’il saurait réagir dès qu’il sentirait que le vent tournerait en sa défaveur. C’était le moment où jamais.

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[AF] – Une étape importante est en cours d’achèvement

La conviction est allée jusqu’au bout. C’est un nouveau début. On fait comme si on était parti de rien, ou comme si on n’avait plus rien.

C’est arrivé sans que cela s’annonce autrement que par la langueur installée tout autour. La déconnexion désirée est maintenant effective. Tout est bien là, au moment le plus juste.

Les objets continuent d’indiquer les pistes à suivre. Voici un appareil, par exemple, qui ne fonctionne plus, et tous les appareils en arrêt depuis de nombreuses années ressurgissent. Ils font foule, eux aussi. Ils ramènent à l’histoire. Ils offrent une autre dimension à la notion de rupture, tentée à plusieurs reprises, dès le plus jeune âge. Inutile de faire un effort de mémoire. Il suffit de les savoir là, parmi les éléments actifs. De puiser ce que cela génère d’émotions réelles. De ce qui était supposé disparu. Abandonné. De ce qui, de fait, ne l’a jamais vraiment été. C’est un regard qui se pose. Un regard chargé de l’expérience traversée. Une écoute nourrie de tant de paroles circulant dans le corps.

Alors, c’est l’invention, seule, qui trouve une solution. Un univers parallèle. Un lieu où tout ne fera qu’aller de mieux en mieux, puisque l’échec n’est plus possible, que cette notion a été assimilée au profit d’une autre. Tentative. Essai. Ça n’aurait pas réussi, selon ce qui avait été fixé comme objectif, mais ce qui a précédé, les efforts, les prises de décision, ont agi là où il était possible que cela agisse, tout simplement, recadrant parfois, remobilisant d’autres fois. Un sommet de montagne était attendu. C’est la mer qui se présente. Et l’adaptation est plus aisée dans ce nouvel élément. La force est alors de se dire qu’au sommet de la montagne ne se serait trouvée qu’une forme de souffrance, à trop vouloir lutter. Aussi, ne même pas se demander quand il aurait fallu bifurquer. Il fallait cette tentative. Il fallait cette direction. Il fallait s’imaginer qu’il serait possible d’inclure un grand nombre de connaissances dans une sphère rapprochée. Il fallait reconstituer les visages de celles et ceux à qui les messages s’adressaient. Il fallait, au fond, se produire dans l’inconçu.

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[AF] – Aux portes de la dictature

Au début de sa carrière, il travaillait avec des ados dans les centres sociaux. On lui avait dit, tu verras, c’est sympa, et puis, il s’était vite rendu compte que c’était bien plus difficile que ce qu’il avait imaginé. Il avait été bien incapable de formuler les enjeux qui se mettaient à l’œuvre, mais il l’avait senti qu’il y a avait là quelque chose d’essentiel à ne pas rater. C’était physique. Une lutte à entreprendre. L’ultime combat avant que les ados ne soient jetés dans la délinquance par brouettées de quinze. Il n’y était pas si mal arrivé. À les retenir de plonger. C’était un appel permanent. On le craignait, mais on le désirait aussi. Se sauver et se détruire. Comme des synonymes. Aucune différence.

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[#GRP] – Il fallait rompre avec la haine

Le 29 juin 2012

Ma chère amie,

Le repos aide beaucoup à se laisser porter par l’intuition. Il n’y aurait que cela qui viendrait, en quelque sorte, produire, une identité qu’on aimerait toujours remarquable, au sens où elle serait singulière, et donc, identifiable. Je la trouve très agréable, en ce moment, cette intuition, et je n’ai de cesse de l’interroger sans relâche, comme pour saisir ce qui m’aurait conduit à prendre une option plus qu’une autre, à suivre un chemin d’études que j’espère être aussi un chemin de compréhension. Au moment où je sentirai que je me perds un peu, — et je le mesure déjà mieux aujourd’hui, c’est aussi parce que je suis en train d’assimiler un très grand nombre d’informations en même temps puisque sept romans, en soi, cela ne semble pas insurmontable, mais cela représente l’équivalent de la Recherche pour laquelle on continue de découvrir et d’écrire —, je m’autoriserai un temps de recul, surtout, pour éviter les amalgames et confondre ce que je pressens, sans le formuler vraiment, que chaque roman que je lis comporte un sujet principal que je ne voudrais pas rater à trop vouloir faire de tout ce que je découvre un seul et même geste d’écrivain. Il est vrai que la Recherche m’avait impressionné sur cet aspect. Chaque roman pouvait se lire séparément, mais il constituait une suite exceptionnellement cohérente lorsqu’on la lisait dans l’ordre définitif que l’auteur avait choisi.

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Comme dans un rêve

Je suis très heureux de vous annoncer qu’un premier livre vient de partir à l’impression, avec un « O », comme… Origine.

Bientôt, donc, une nouvelle aventure qui commence !

Je vous installe une petite boutique virtuelle où vous pourrez commander autant d’exemplaires que vous n’avez d’amis sur la terre. Et, si vous craignez de rater ce premier grand événement projeté dans le réel, vous pourrez peut-être même pré-commander votre exemplaire.

Un grand merci à Phiip et à Gaspard pour leur précieuse aide.

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[AF] – Premier avertissement

Voici encore que nous a été servi le discours des causes et des conséquences accusant celles et ceux que l’on voit partout sur les couvertures de magazines d’être les responsables, par les lois qu’ils promulguent, des restrictions budgétaires auxquelles on nous demande de nous soumettre. Tout cela serait aisé à admettre si nous ne nous étions pas intéressés à quelques chiffres que nous avons savamment trouvés rangés sur des lignes discrètes qu’on avait mystérieusement oublié de transcrire sur le powerpoint d’un séminaire de rentrée. Il est vrai qu’on serait proche du vertige en essayant de saisir comment de quelques centaines de milliards, nous arriverions aux quelques centaines d’euros qui concernent notre droit à prétendre évoluer tout au long d’une carrière et non, comme cela se produit actuellement, à voir chaque année notre pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Par contre, lorsque nous y regardons de plus près, et que nous dépassons le stade de sidération face aux milliards qu’on ne saurait compter, que nous mesurons sur une échelle de quelques centaines d’agents coûtant, de fait, de moins en moins d’argent étant donné que leur salaire est gelé depuis de nombreuses années, nous apprécions mieux les bénéfices ainsi réalisés sur notre dos, adoubés par les peurs qu’on a déposées en nous grâce à des camemberts tout rouges et des pourcentages grandiloquents. Car les dirigeants de notre belle Entreprise semblent avoir su bien faire, alors que nous quittions le terrain pour nous insurger contre une puissance qui nous dépasse, pour qu’aucune contestation ne soit exprimée là où, pourtant, le seul pouvoir en action, le seul pouvoir réel, institue un autoritarisme qu’on serait bien désolé de découvrir s’il nous était dévoilé, mais qui, grâce aux petits tours de passepasse médiatiques, reste totalement inaperçu et se développe à l’abri des regards indiscrets.

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