[DIRECT LIVE] – 006

L’idée de l’hôpital psychiatrique n’est pas venue par hasard. C’est une construction, une métaphore. Il me fallait un espace clos en pleine urbanité, là où partout nous trouvons voies bétonnées, arbres bétonnés, en travaux. On adapte, on raccorde, on décore, on pousse, on détruit, on change. On passe et on ne reconnaît plus. Le silence n’existe plus. Que dans quelques lieux, comme celui-ci. Les murs sont silencieux. Les patients viennent un par un. Pour quoi faire, si ce n’est pour être soignés ? Leur corps dit : « sauve-moi de cette engrenage », comme celui-ci, dix-huit ans, il tremble, il rit hystériquement, il s’affale sur une chaise, et on pourrait lui dire d’attendre, il attendrait, on pourrait lui dire de partir, il partirait. Je n’avais jamais pensé qu’en les soignant, je les aidais. Qu’ils venaient chercher un secours. Dans des familles lourdement atteintes, depuis des décennies où l’on confond les âges. On parle à un enfant de huit ans comme à un adulte. Mais moi j’entends : « Je suis un enfant, pas un adulte. J’aime les jeux pour enfants ». Surtout à sept huit ans. Et les livres pour enfants. Pas ceux qui te disent que le petit Gaspard du CE2 rigole parce qu’il a vu la maîtresse tomber de sa chaise. Ceux qui parlent vraiment d’eux. De leur désir permanent de rester dans leur monde, ludique et créatif. Celui où ils s’allongent une heure attendant l’arc-en-ciel. Je me suis demandé si révéler leur prénom serait les trahir, mais après tout, comment serait-ce possible puisqu’ils sont tout pour moi au moment où je m’occupe d’eux, parfois plus tard dans la soirée, parfois le lendemain. Je continue à les aider entre deux séances. C’est le travail, qui continue, le travail qu’ils appellent de leur vœu. Aussi, je leur dois tant que je vous dirai tout. Qu’eux aussi, m’ont aidé.

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