[DIRECT LIVE] – 017

Le lendemain, c’est moins fun. Y a des cadavres dans tout l’appartement. Tout ce qui peut servir à quelque chose a servi de cendrier. Ça pue pour la vie, la migraine est atroce, et y en a deux qu’on ne connaît pas. Moi Jane, toi Tarzan. Les présentations sont faites. Et sinon, vous partez quand ? Le voisin est resté. Il persiste, le bougre. Non, parce que, moi, ça m’intéresse, votre idée de tout balancer et de partir. Ok, mais pour Paris on avait un peu déconné. On était un peu bourrés. C’est trop cher. Alors, vous partez où ? Ben, en fait, on part pas. Il y en a quelques-uns ici qui ont quelques responsabilités. Vous dites ça parce que vous ne voulez pas que je parte avec vous ? Hum… Comment te dire ? C’est vrai qu’un voisin, c’est pas mal, mais qu’est-ce que ça nous rapporterait ? Je te la joue manager de la fonction publique. Faudrait une plus-value, tu vois. Qu’est-ce que tu sais mieux faire qu’un autre ? Parce que, tu vois, j’ai rêvé que j’ouvrais un roman dont la première phrase me donnerait envie de l’acheter et de le lire jusqu’au bout, et ça ne commençait pas par : « Le voisin frappa à la porte ». Imagine le délire. Le voisin frappa à la porte. Il était plus de deux heures du matin. On ne l’avait jamais vu dans cet attirail. Un vieux pull tout troué, un bas de jogging, les cheveux hirsutes. Il a tenté la formulation de quelques phrases d’excuse. Je suis désolé… il est tard… j’ai un problème, vous pourriez m’aider… Cela fait deux heures que je tourne en rond. Je sais que vous travaillez dans un hôpital psychiatrique. Vous comprenez… j’habite trop en hauteur. Avoir son appartement au sixième est un appel au suicide tous les soirs quand on a fait le tour des deux pièces, épousseté, fait la vaisselle, et qu’il n’y a rien d’autre. Ce soir, c’est différent. Je sens que c’est différent. Le vent m’appelle. Je n’arrête pas de pleurer. Vous n’auriez pas un somnifère pour m’aider à dormir. Et bien, je suis désolé, mais non, je n’ai pas de somnifères ici, mais si vous prenez rendez-vous avec votre médecin traitant, dès demain, vous en aurez. Il y a même en pharmacie des remèdes que l’on peut obtenir sans ordonnance. Vous avez quelqu’un de votre famille que vous pourriez appeler ? Sinon, joignez un médecin de nuit, ou le SAMU.

Et le voisin s’effondra.

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