[DIRECT LIVE] – 021

C’est le cap à passer, désormais. Je n’ai pas à m’excuser de m’être laissé posséder par de nouveaux harcèlements. Et je n’ai pas à faire sens là où je ne souhaite pas qu’il y en ait. Il faudrait encore que je supporte cette sorte de regard méprisant, jusque dans l’allusion discrète, presque amoureuse, en plein cœur, ce même cœur qui peu à peu s’essouffle de devoir lutter contre ce qui serait le pire : un paysage dans lequel je ne voulais pas m’engouffrer, et pourtant j’y suis, en incrustation, ficelé, sans défense. Je n’ai rien d’autre à imaginer que le faire : prendre ce temps de revenir sur ce qui insupporte jour après jour, malgré l’évolution sociale, malgré des formes de reconnaissance qui ne correspondent plus au temps de ce que je suis devenu en seulement quelques heures. C’est une histoire d’acharnement à laquelle j’adhère par principe, car les pas qu’il fallait faire pour se situer ailleurs, je les ai faits et je suis prêt à les assumer, mais ce ne sera pas au détriment de mes propres réalisations. À aucun moment, je ne cèderai ce besoin de contrôler la manière avec laquelle je me présente au monde. Je ne laisserai pas ce jugement s’installer. Je dois sauver en moi l’espace de la liberté. Le social s’interpose. Encore une fois, je fais le choix d’en payer le prix. C’est disproportionné par rapport à ce que cela pourrait changer dans ma vie personnelle. Je sais que ce n’est pas pour cela que j’agis. Il y a autre chose. L’articulation n’a aujourd’hui aucune valeur à cause de la singularité que j’ai décidé de maintenir, taisant l’intégralité de la démarche, n’espérant rien de ce que j’investis, donner sans recevoir, ne trouver en moi que le silence d’une vie déplorable, toujours au bord de l’ennui, je tourne en rond pendant des heures, je place des masques sur ce qui n’a plus de raison d’être. Je vois cette confrontation se préparer. Je n’ai aucune réponse. Tout ce qui se fait actuellement échappe à la notion même d’élaboration. J’ai voulu ce sable mouvant. Pendant que les mouvements cessent de mobiliser l’énergie nécessaire. Alors, tout serait resté tel quel. Rien n’aurait été appris au long des pages, à ce stade, dans l’angoisse du quotidien. Il est vrai, cependant, que je vis une vie parallèle. Le décrire serait trop en dire, ou me mentir, même, car je n’ai aucune envie de voir cette vie-là défiler sous mes yeux, non qu’elle soit réellement secrète, ou, pourrait-on dire, à protéger, mais plutôt parce qu’elle n’a pas de fin, contrairement à cette autre vie dont on viendrait tout relater jour après jour. On y verrait tout ce qui a abouti, tout ce qui, en cours, mérite qu’on s’y attarde, alors que l’infini s’est déployé autrement. Dans un ailleurs, ce serait trop facile. C’est plus qu’une imagination. C’est en même temps, aussi influent. Un lieu où tout se rencontre, sans heurt, où je ne me demande pas pourquoi tel arrive, tel repart. Puisqu’ils sont là. Welcome. Je ne m’attendais pas à ça. De te revoir, d’entendre là où tu en es, de te lire, même. Wow. Quel parcours ! Au début, je ne voulais pas venir lui parler. Je m’étais : « Laisse-le tranquille avec tout ça ». Mais c’était plus fort que moi. Il fallait qu’il sache, d’abord, que j’étais là. Alors, comment mieux faire que de rester un peu, de papoter avec les autres, de faire semblant de rien, puis de venir le saluer. « Crois-tu vraiment que je ne t’avais pas vu ? Tu étais presque au premier rang, buvant mes paroles. Tu étais au bord de poser une question. Toujours d’accord avec ce qui se disait autour de toi ». Je n’ai pas vraiment pensé ta présence. Je l’ai constatée, évidemment. Tu étais là. C’était un fait. Comme marchant dans la rue. Au détour de quelque rue. Te voilà. « Que fais-tu là ? ». Tu es la dernière personne que j’aurais imaginé rencontrer dans ce quartier. « Que deviens-tu ? ». Et tout est banal. Tout est convenu. Aussi bien ton sourire que cette permanente surprise que tu affiches. Je me rends bien compte qu’à présent je te considère autrement, comme te prenant d’un peu plus haut. Je me sens élevé, depuis ce jour où j’ai pris la décision que plus rien de toi n’aura d’impact sur ma vie. Le réel s’est conçu dans une dimension qui ne te concerne plus, mais tu persistes à vouloir y être. Tu reviens. Tu réapparais. Il y a quelque temps, j’aurais pesté contre cette malchance de te voir encore sur mon chemin. Je voulais l’écrire dès le premier jour. Je suis dans l’autre sphère où se travaille une sorte de volonté. Les bras croisés. Mon refus d’obtempérer. Mes mains sont toujours aussi douces. Je revis l’agression exactement de la même manière. C’est tellement déroutant. Regardons tout ce chemin parcouru. Il aurait fallu une pause pour s’expliquer. Je préfère laisser libre cours aux sensations réelles. La même chaleur qui m’envahit. Il a manqué quelque chose au début d’un roman. C’est cela que je veux décrire. Comment cela disparaît de nos injonctions. Les mots qui courent le long des pages pour installer le lecteur dans la fuite. C’est ainsi que tout se passe à longueur d’années. On se décide. Le plan est établi. On préfère tout éviter, partir sur des monts inaccessibles. Avec la seule donnée disponible : la sensibilité. Le souvenir d’un bien être absolu au centre d’une nature à laquelle nous serions prêts de tout dire. Je veux tout dire. Comment, souvent la nuit, j’élabore une stratégie de conquête, comment la forme se dessine sous mes yeux à travers une période que je choisis de ne pas contrôler. On verra bien, pourrais-je conclure. On verra bien. La confiance est telle qu’elle n’empêche plus rien. Ce n’est plus qu’un autre moi à l’œuvre, où je ne suis pas perdu. Je lis partout d’autres propositions auxquelles je n’apporte aucun crédit, à cause du thème abordé, cette chronologie du quotidien, comme si cela pouvait être intéressant pour quiconque de savoir à quel point il était impossible de vivre cette longue journée, comment il était impossible de décrire le ciel, puis ce qu’avait dit untel, ce qu’avait fait untel, à cause de la banalité de tout ce que cela venait révéler. J’ai pris une autre option, dès le plus jeune âge. Et ce qui m’intéresse, c’est ce qui ne sera jamais écrit, cet autre monde que je m’offre de vivre pleinement.

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