[DIRECT LIVE] – 022

La mémoire s’est réinstallée exactement au point où j’en étais. La recherche a donc été fructueuse. J’avais tenté d’y voir plus clair. L’aboutissement est à la hauteur de ce que j’attendais, dans la pureté des mots que j’ai choisis de taire. On croira qu’une année a passé. On croira qu’un siècle. On croira ce qu’on veut. Un passage à l’acte. Tout semblait fragile, imparfait. Et pourquoi pas ? Pourquoi pas, en effet, cette manière, ces options, cette implication et, de temps en temps, cette consternation. Maintenant que les deux écrans de l’âme sont allumés, et que je n’ai plus qu’à penser ce que je réalise, à la fois ce que je fais et ce dont je prends conscience, à force d’appliquer les mêmes énergies aux diffractions. J’ai cessé de croire que je n’allais qu’à un seul endroit. La vie s’en compose ainsi, et le reflet n’en sera jamais suffisamment fidèle pour qu’on s’arrête à une seule et même version. Tout s’est accompagné pour n’avoir plus qu’à être là où je souhaitais être, sans préjuger ni des conséquences ni des effets d’une forme d’isolement tendre avec les outils du quotidien. J’avais besoin de ce recul pour évaluer en quelque sorte la pauvreté d’un discours, le malaise qu’il portait en lui, constat que seule la littérature m’a rendu. Je l’avais bien cherché. Ces mots éparpillés ici et là se rassemblent. Ils ne serviront à rien d’autre que de signifier ce que c’est d’avoir rencontré chaque jour l’expression d’une loi que j’avais jusqu’ici ignorée : qu’il ne servait à rien d’entrer en qualité. Qu’il suffisait d’effleurer. Alors, j’effleurais, pour tenter l’aventure de ce mystérieux monde ouvert aux seuls audacieux. C’était ça, maintenant : une grande pièce vide, des phrases sans consistance. À cause des multiples facettes qui s’étaient découvertes. Ils étaient tous morts. Les protagonistes. Plus rien n’existait que la foi, l’étape suivante en gestation. J’en parlais nuit et jour avec les artifices. Je m’étais éloigné de toute fiction. Je les en avais repoussés. Ils n’y seraient pas. Morts. La page précédente n’a plus d’influence. C’est le roman suivant qui s’écrit. Je pensais que la méthode viendrait à bout des méandres, qu’il suffirait de suivre les mêmes chemins pour aller un peu plus loin, mais tout me disait le contraire : ce serait si différent qu’il faudrait tout réapprendre, à nouveau, le langage mot à mot énoncé, les quelques sons que je voudrais garder, pour l’idéal, pour l’image que je voulais enrichir aperçue dans les mouvements du ciel, si agité. On nous préfèrerait derrière un bureau en train de nous auto-assigner. Je donnais une importance démesurée à quelques éléments qui aujourd’hui n’ont plus aucune accroche. C’étaient de simples rôles, souvent non mérités. On avait franchi la bonne porte au bon moment. Presque un coup de la chance. Pour autant, cela ne pouvait pas être quelqu’un d’autre. Quelque chose avait pris. Le gant parfait. Au point qu’il fallait mettre en évidence ce fait peut-être un peu fou : quel que soit l’événement, tout ce qui est là a eu lieu, et je n’ai pas d’autre existence. Les morts l’ont toujours été. Les lois sont aussi là. Je ne fais que coexister dans la fracture du temps, élaboration technique d’une justification valable dans aucun corps, ne résonnant dans aucun être. La peur de ne plus en être disparaît totalement, puisque je suis là, puisque c’est moi qui le dis. Je ne fais donc que retenir l’événement au cœur même de l’œuvre afin que soit provoquée la pulsation du réel. Voici ce qui est aujourd’hui. Voici le panorama. Dans le journal posé, dans l’expression des visages rencontrés, avec toutes nos histoires racontées, les pièges dans lesquels nous tombons. Aspiration et effondrement. En même temps. La puissance ne peut qu’être. On ne peut la combattre. Je ne vais pas en faire la liste. C’est bien ici que je veux continuer.

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