ZONE D’UTILITÉ LITTÉRAIRE – 22 FÉVRIER 2019 à 20H00

Je serai l’invité de la prochaine Zone d’Utilité Littéraire qui se tiendra au Pas si Loin (1, rue Berthier – Pantin) à 20h00.

Nous y parlerons de mon dernier livre, L’intimité n’a plus de lieu possible, et vous y entendrez une nouvelle séquence de Grande Balade, avec Claudine Hunault, d’après le roman poétique d’Hélène Bessette.

Tenez informés vos amis en téléchargeant le flyer ou en partageant le lien de cet article.

Au plaisir de vous y retrouver.

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L’intimité n’a plus de lieu possible en vente dans la boutique @rycholiver.org

Poussons les meubles, la boutique s’aggrandit, avec l’arrivée très attendue en cette fin d’année de mon premier roman poétique, L’intimité n’a plus de lieu possible, le second livre des éditions @rycholiver.org que vous pouvez commander ici.

Je suis très heureux de m’être lancé dans l’exercice de ce genre et que ce soit le livre avec le « L » de LIFE qui paraisse à la fin de cette année 2018 durant laquelle, vous le savez, nous avons commémoré le centenaire de la naissance d’Hélène Bessette à qui je dois très assurément tout ce qui se passe de nouveau dans ma vie littéraire depuis que j’ai rencontré ses romans.

Pour celles et ceux qui auraient oublié de commander mon précédent ouvrage, j’ai inventé un extraordinaire FULL PACK grâce auquel vous pouvez commander l’intégralité de mes livres pour la modique somme de 20 EUR. Il suffit d’aller sur cette page et de vous laisser guider.

Je remercie à nouveau Phiip des Éditions Lapin et l’admirable Gaspard qui m’a aidé à corriger le texte.

BONNE LECTURE

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L’intimité part s’imprimer

Bon, je ne sais pas si au bout du vingtième livre, on finit blasé au point de ne plus être attentif aux étapes de leur conception, mais au deuxième, l’émotion est encore si intense que je ne peux pas m’empêcher d’exprimer ma joie lorsque le fichier définitif part… À L’IMPRESSION !!!

Bientôt, donc, dans vos bibliothèques, le nouveau livre des éditions @rycholiver.org : L’intimité n’a plus de lieu possible (1).

La quatrième de couverture ? La voilà :

« Nous allions plus loin encore, sans trop savoir pourquoi, en partie pour se surprendre, changer d’horizon, de style peut-être. Comme à chaque nouveau commencement, nous entrions dans le labyrinthe des sujets épuisés, des autres, convoqués, des tiroirs s’ouvrant et se refermant, où l’inconstance devenait source de création, préférée à la fuite, à la perpétuation d’une démence incontrôlée. »

En attendant, et si vous ne l’avez pas encore, vous pouvez vous procurer Vue sur le cimetière suivi de Vortex Temporum et la première des Nouvelles RochoisesChoquito.

Tout est dans la boutique en ligne.

(1) « L’intimité » pour les adeptes du raccourci clavier.

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[MATP] – Ce qui le conduirait toujours à devoir affronter les inéluctables obstacles de ses improbables projets

Il était rentré de l’école et, comme à son habitude, il avait sagement pris son goûter avant de se mettre consciencieusement à son bureau pour préparer les devoirs du lendemain. Vers 18h30, sa mère rentrait à son tour d’une journée bien remplie et c’était souvent le moment du verdict. Si en passant le pas de la porte elle lançait un hystérique « Maaaaaarc, es-tu rentré ? Descends vite que je te raconte quelque chose d’incroyable ! », c’est qu’elle était joyeuse. Il savait que se préparait une soirée fort agréable et lâchait tout ce qu’il avait à faire pour venir l’accueillir en bas de l’escalier. Elle allait lui raconter toute sa journée sans oublier aucun détail. Tous les collègues allaient y passer un à un et, après un long fou rire auquel Marc se joindrait sans se forcer, elle allait prendre enfin des nouvelles de la journée de son fils. Ç’allait être reparti pour de longs fous rires, car Marc, sachant sa mère disposée à entendre qu’il suivait son chemin, allait dresser à son tour un portrait acerbe de son maître, puis de tous ses camarades de classe. Par contre, s’il n’entendait rien d’autre que la porte se fermer, — et c’était là tout ce qu’il redoutait —, il attendait un peu le temps de rassembler quelques souvenirs avant de la rejoindre même s’il savait que ça n’allait jamais être le moment de parler de quoi que ce soit. Descendant ces fois-là à pas de velours, il trouvait sa mère affalée dans le canapé, sirotant déjà un de ces cocktails qu’il n’était pas encore autorisé à goûter. C’est lui qui engageait alors la conversation par un timide « Ça va ? » et elle semblait toujours surprise que quelqu’un vienne interrompre son immense solitude, donnant toujours l’impression qu’il lui fallait quelques secondes pour se souvenir qu’elle avait même jamais eu un fils qui aurait pu la soutenir dans ces moments de profondes dépressions.

— Oh, Marc… Tu es là… Viens t’asseoir, mon lapin. Je suis passé devant le centre social et j’ai repensé au premier jour où j’ai rencontré ton pauvre père. Je sortais d’un rendez-vous avec une assistante. J’étais si démunie. Je n’avais plus rien. Je m’étais assise sur un banc et ton père était venu m’offrir une cigarette. En quelques minutes, je lui avais raconté tout ce qui s’était passé ces dernières années, depuis mon enfance si malheureuse, alors que j’avais fui ces parents qui m’avaient battue et séquestrée. En partant loin d’eux, j’étais persuadée que j’allais enfin réussir à refaire ma vie, mais tout était allé de travers. D’abord, ma tante, qui m’avait promis de me recueillir, m’avait vite fait comprendre que j’allais être un poids chez elle, car elle envisageait de nombreux voyages avec un nouvel amant. Il fallait qu’elle loue son appartement et je ne pouvais rester que quelques semaines. Ensuite, tous les petits boulots que j’avais entrepris pour subvenir un peu à mes besoins n’avaient été qu’une longue liste d’échecs. Je voulais à tout prix réussir à me payer des études pour avoir une situation, mais tous mes patrons n’avaient qu’une seule envie : me maintenir dans le cynique harcèlement sexuel qu’ils faisaient subir à toutes leurs nouvelles employées. Je ne pouvais supporter ces nouvelles violences. Dès que l’un d’eux s’approchait de moi, je rentrais paniquée et je ne revenais pas le lendemain. Ton père avait écouté toutes mes aventures avec beaucoup de mansuétude. Il m’avait proposé de me laisser une petite place dans son minuscule salon. Là, j’allais prendre tout le temps qu’il faudrait pour me remettre de toutes ces émotions. Trois mois plus tard, nous étions mariés.

Marc était arrivé dans leur vie quelques années plus tard, à une période où les jeunes mariés partageaient un bonheur qu’ils n’avaient jamais imaginé possible. Le récit familial s’interrompait souvent là, quelques minutes qui semblaient interminables. Il manquait toujours les mêmes éléments qui auraient permis à Marc de comprendre pourquoi son père n’était plus là. Il n’osait pas poser de questions. Tout devenait alors entrecoupé de longs soupirs. « Il a bien fallu que je me débrouille seule, à nouveau ».

Ah… Son père… L’avait-il vraiment connu ? Il en avait un souvenir, c’était certain, mais il se rendrait compte plus tard que sa mémoire n’avait été nourrie que des quelques photographies qu’il avait trouvées au fond d’un carton à l’âge de quatre ou cinq ans lorsqu’il cherchait un jouet que sa mère avait arbitrairement remisé au grenier. En voyant ce bel homme fier de montrer sa nouvelle voiture, il s’était dit qu’il lui ressemblerait et l’avait supposé militaire mêlant sans doute son propre désir d’être au sein d’un corps défendant celui qui peu à peu gravirait les échelons d’une saine hiérarchie.

Toujours moqué parce qu’il était trop grand pour son âge, Marc cherchait par tous les moyens à se rendre utile. Ses différents instituteurs l’appréciaient, car il était le premier à lever la main pour aller répondre au tableau, réciter une poésie, ranger la classe, mais il avait beau vouloir bien faire auprès de ses camarades de classe, on continuait de le surnommer Grand dadais, Fanfaron ou même Frankenstein durant la période où la puberté avait recouvert son front d’un champ de sébum prêt à ruisseler. Il ne désespérait pas qu’on reconnaisse sa vaillance, et se présentait chaque année à l’élection des délégués de classe où il ne recueillait jamais qu’une seule voix : la sienne. Il entreprenait pourtant d’admirables campagnes, rédigeant des projets de rénovation dans la classe, rappelant qu’il serait celui qui défendrait les plus démunis, qu’il aiderait les cancres (qu’il appelait « les pauvres »). Malgré toutes ces promesses, la classe en préférait toujours un autre, plus populaire que lui, pour des raisons qui lui échapperaient toujours, et dans la cour, comme sur les plages, il se retrouvait irrémédiablement seul. Alors, son projet de devenir soldat s’était peu à peu construit. Après les scouts, il serait au service de la Patrie. S’engager, s’engager. Et il s’engagea tant qu’en effet il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie militaire, constamment au bord de devenir à son tour Général, bloqué aux portes du pouvoir suprême par son passé psychologique qui le rangeait inévitablement dans la catégorie des personnalités dont on avait clairement besoin mais à qui on ne pourrait confier de trop importantes responsabilités tellement on ne savait pas pourquoi il avait cette tendance à vouloir s’immoler chaque fois qu’il fallait défendre un intérêt supérieur qui ne lui apporterait aucune satisfaction personnelle.

Sa mère, vieillie et ravagée par l’alcool, qui le voyait rentrer, Tanguy, ses bottes crottées, le sourire béat d’annoncer qu’il allait être enfin promu tellement il s’était démené, murmurait ce désolé Pauvre Marc devinant qu’elle-même ne pourrait rien contre ce qui le conduirait toujours à devoir affronter les inéluctables obstacles de ses improbables projets.

À suivre…


Si vous avez manqué le début

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[#GRP] – Jamais le texte ne vous a désignés

Le 21 septembre 2012

Ma chère amie,

C’est déjà la fin du premier séminaire. J’ai opté pour une sorte de plongée d’une quinzaine de jours qu’il faudra que je prenne en compte durant toute mon année universitaire. Ce ne sera pas trop difficile d’y être, surtout qu’ici, une fois que tu as fait allégeance au mode de fonctionnement, tu fais partie des murs et on te demande vite quand est-ce que tu reviens. Je ne me suis pas vraiment fait d’amis même si je suis peut-être un peu moins sauvage qu’au début, peut-être plus confiant. Je suppose qu’il y a toujours ce petit bizutage propre aux milieux fermés qui, à force de l’être, se supposent privilégiés ou détenteurs d’un savoir que d’autres n’auraient pas et qu’on viendrait distribuer au compte-gouttes. Je n’arrive pas encore à comprendre pourquoi, au XXIème siècle, il doit être si obscur d’obtenir un accès à ces sources. Elles seraient protégées, mais de quoi ? Quel serait le risque que chacun en dispose ? C’est souvent une question que je me pose quand je découvre des voies de recherche et de travail : quelle serait l’humanité si, au lieu de lui servir la soupe des interprétations diverses, variées et malheureusement quelquefois trompeuses, on lui donnait accès au kit de textes fondateurs qu’on irait puiser selon la spécialisation qu’on choisit en la pressentant plus proche de nos compétences ou de notre désir de faire avancer un domaine. Parce que, sur un point, je suis d’accord : on ne peut pas tout savoir sur tout et il ne s’agirait pas d’avoir un avis sur tous les sujets. Des pans entiers nous échapperont toujours soit qu’ils sont hors de nos frontières personnelles, soit qu’ils sont tellement vastes que leur traitement est confié à d’autres catégories humaines. Je n’ai pas honte de ne rien connaître du football ou de l’agriculture. Ce serait ça, l’au-delà de mes frontières personnelles, par exemple. De même, je délègue une partie de mon action à des Institutions auxquelles je participe en votant. De ce côté, je ne ferai jamais la révolution sociale tout seul, mais je mets le poids de mon vote dans la balance, et ça marche de ne pas se sentir dépossédé de son choix. La dernière élection a prouvé que je n’étais pas dans les courants majoritaires, alors je me dois d’agir où je le peux, à commencer par mon territoire accessible, mes compétences abordables. Je vois bien, par exemple, comment au fur et à mesure de mon parcours professionnel, je continue de m’abreuver à des sources qui me fournissent chaque fois de nouveaux accès. Ce que je ne comprends pas, — et je vais revenir ici autant de fois qu’il en sera nécessaire pour épuiser le sujet —, c’est pourquoi on maintiendrait une partie des informations sous silence. Ce n’est pas que la puissance d’ayant-droits cherchant à ne pas être pillés. Ce que je découvre a une autre teneur. Oui, des romans contiennent des actualités qu’une forme institutionnelle a écartées. Au placard. Aux archives. Tant qu’il n’y a pas de procès, il n’y aura pas de problèmes. Tant que personne ne s’en saisit, on continuera à fonctionner comme on a toujours fonctionné ou à devenir ce qu’on a toujours souhaité pour une partie de la société : faire partie de la classe dominante, celle qui distribue les richesses, celle qui décide si tel ou tel a le droit. Comme pour l’humanité, que seraient-elles, ces institutions, si tout était disponible aujourd’hui, si tout était étudié, si tout était commenté ?

Je constate que depuis que je suis arrivé ici, mon écriture a changé. Elle a changé d’objectif (mais ça, je crois que quelques livres avaient suffi à l’orienter déjà différemment), mais elle a aussi changé de contenu. Ma conviction se raffermit, et je n’en suis plus à vouloir m’insurger dans les journaux qu’on a peut-être enterré une auteure un peu trop tôt, lui réclamant justice. Je vais l’utiliser comme je suppose qu’elle aurait aimé que je le fasse en toute connaissance de cause. Puisque notre travail est le même. Nous écrivons. Apprendre à mieux se diffuser pour y intégrer des thèmes qu’on aimerait voir ressurgir dans la vie. Au lieu, de fait, de me rapporter à une pensée élaborée quelques dizaines d’années avant ma naissance, en la citant par exemple, en la nommant, je laisserai courir mon intuition pour être présent dans la sphère poétique. Mon alliée n’a finalement pas été oubliée, puisque je l’ai trouvée. Le chemin aurait pu être tout autre, mais elle était là, disponible, comme une clé, comme une bouteille à la mer, comme toutes les tentatives d’espèces vivantes qui lancent dans leur environnement une option pour une amélioration qu’elles ressentent nécessaires. On a besoin de ce recul temporel. Oui, d’accord, dans le tumulte de ces milliards de pensées qui agissent et s’expriment en même temps avec la même urgence de survivre, de s’étendre ou de se défendre, il y a celle qui servira de socle à quelque communauté nouvelle, et si j’en deviens le relai, tout fait sens dans mon périmètre accessible, autour de moi, ma famille, mes voisins, mes collègues, et quelques présences silencieuses qui auront le courage d’aller au bout de mes futurs écrits lorsqu’ils seront sous la forme que j’ai choisie, vignettes, fragments, articles, romans, ne doutant plus que je les place à ma manière sur les chemins d’autres pensées, non pour les influencer, mais pour alimenter un flux que je suppose bon dès lors qu’il apporte de quoi se prémunir des voies que j’estime sans issue, comme tout ce qui conduit aujourd’hui à des formes perverses du pouvoir ou des applications que je juge monstrueuses, à commencer par le meurtre que je dois absolument aider à faire disparaître de notre immense projet d’humanité pacifiée.

J’ai commencé à recopier des passages entiers issus des documents que j’ai découverts ici, mais imagine bien les conditions qu’on nous impose pour ça : on entre dans la bibliothèque avec des feuilles vierges et un crayon de papier. Rien d’autre. On a su inventer un moyen ultra moderne nous permettant d’accéder à des fonds suffisamment consistants pour avancer, et côté aventure personnelle, c’est le Moyen-âge. Pour de nombreux textes, il suffirait de me faire une photocopie. Tu les scannes et tu les rends disponibles sur le WEB, et je n’aurais même pas besoin de me plier aux nécessités d’un séminariste. Je pourrais travailler chez moi en pyjama. Mais non, on te rend la tâche pénible. Des feuilles vierges et un crayon de papier. Je passe plus de temps à lutter contre la fatigue plutôt que d’avancer dans l’élaboration réelle de mon projet. C’est épuisant. Il faut passer par là. Le rituel. Tu vas rire, mais quand j’enlève mon pull parce que j’ai trop chaud, et que je le dépose sur le dossier de mon siège (inconfortable), un cerbère se lève et me demande de le déposer dans mon casier à l’entrée de la bibliothèque. L’autre jour, c’était le contraire, j’avais froid, je m’étais entouré d’écharpes, et on m’a demandé si c’était vraiment nécessaire. J’ai un peu craqué. J’ai froid. Oui, une écharpe est nécessaire dans ce cas-là, et je n’ai rien dissimulé dessous. J’imagine qu’on perd beaucoup de temps quand on entre dans une nouvelle recherche et que je trouverai sans doute un rythme plus efficace lors de mes prochains séjours. Je vais repartir avec des dizaines de pages noircies, des bribes. J’écoute la méthode que mon auteure adorée m’enseigne. Il faut s’accrocher désespérément à toutes ces citations pour tenter d’y voir clair. Et se laisser guider. C’est comme ça que je le comprends. Comme je me laisserai guider par ce qui arrive sur mon bureau, mon actualité de pensée. Comme un trapéziste passe d’un trapèze à l’autre. Je fais ce que je veux. C’est ainsi que ce que j’estime nécessaire va se construire. Et je ne vais pas me refaire. Tant pis pour le temps que j’y passerai. J’ai un combat à mener sur le terrain avec mes chers collègues, un combat syndical, un combat politique, là où, avec un petit groupe d’une vingtaine de personnes, on peut intervenir dans les mécanismes de soumission, parce qu’on le fait collectivement avec l’argent de nos impôts. Ce n’est pas privé. Ce n’est pas comme disait l’autre, comme dans une entreprise, celui qui paie qui décide. Celui qui paie, c’est le citoyen, et j’en suis un. Je ne suis pas d’accord pour que ma participation financière à la stabilité politique de mon pays alimente une hiérarchie disciplinaire qui m’imposerait le silence. Les lieux de concertation existent. Nous y serons. Les moyens d’expression existent. Nous nous en saisirons. Et si je me rends compte qu’il y a encore quelque frilosité à vouloir afficher collectivement ce qui doit changer dans notre organisation sociale, je le ferai à titre personnel sous l’égide d’une activité artistique avec un nom d’auteur qu’aucune loi ne pourra obliger. J’ai déjà ma réponse à toutes les formes de contestations auxquelles je m’attends lorsque je propagerai mes premiers textes : c’est une fiction, c’est un poème. Les liens avec notre actualité, il n’y a que vous qui les faites. Jamais le texte ne vous a désignés.

Mille pensées.

À suivre…


Si vous avez manqué le début

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[MATP] – Offrir aux charognards de la démocratie un nouvel os à ronger

Ainsi fut appliquée la première phase de ce grand plan d’attaque, et tout le monde, en partie, plus encore que ce que le Général Popov avait imaginé, fut ravi de la situation. Le bureau de Tartinello fut fermé pour rénovation, et l’homme déjà fort atteint des multiples destitutions qu’il avait subies venant d’en haut, venant d’en bas, prit enfin les rênes de son avenir : chercher tranquillement un poste pour mutation définitive et préparer des vacances bien méritées. Madame de La Porte et Mademoiselle Sitruck nageaient dans leur fonction comme poissonnes dans l’eau pur d’un lac bordé de monts et merveilles, fleuri et ensoleillé. Elles trouvaient enfin l’interlocutrice idéale, agent administratif qui adorerait les listes et les tableaux, les statistiques et les dénonciations. Oh, vous savez, balançaient-elles désormais sans scrupule, celui-ci manque à tous ses devoirs. Il nous grappille chaque semaine un quart d’heure. On peut lui demander de nous aider à la mise sous pli. Il nous doit bien ça. Et celle-là ? Ahahah ! Elle arrive en retard et part en avance. Osez l’application de la loi. Moins 10% de temps de travail chaque année. On verra si elle ne se décide pas à changer de comportement ! De leur côté, la majorité des Druides avait crié victoire. Le Général était bien au placard. C’était le fruit de leurs prises de parole et la signification que le contre pouvoir qu’ils exerçaient au sein de l’Institution pouvait malgré la pression autoritaire renforcée avoir encore quelques conséquences sur le terrain. La plupart, désormais, sillonnait dans les couloirs et ré-apprenait à parler haut et fort. Voyez comme nous avions raison ! Et les adhésions ne cessaient d’entrer dans les caisses. Oui, ils avaient réussi, à nouveau, là où les valeurs démocratiques se travaillent réellement, à l’abri des presses nationales, dans le silence de la territorialité. La toute puissance avait courbé l’échine. Il lui faudrait repartir de presque zéro en prenant en compte les forces en présence. Dès la première semaine, les Druides avaient pris rendez-vous avec la nouvelle Directrice administrative. Alors, nous sommes d’accord : réunion des deux Conseils, trois fois l’an pour l’un, cinq fois l’an pour l’autre, coordonnés par une équipe collégiale dans l’attente de la nomination d’un Super Directeur. Vous vous occuperez des listes de course. La satisfaction d’un travail rondement mené avait éveillé en eux une forme d’arrogance qui allait leur faire oublier, en effet, comme le Général l’avait prédit, de s’intéresser de plus près aux véritables arcanes du pouvoir, ces rendez-vous et ces rencontres auxquels ils ne seraient jamais invités, car la nouvelle Directrice administrative avait beau assumer le rôle qu’on lui avait assigné d’être présente pour accuser les coups, elle finissait toujours ses journées au siège social du Parti pour établir des rapports, et forte des propos qui lui étaient naïvement adressés, elle mit en place ce qui allait bientôt s’imposer à tous sous le célèbre adage : c’est la demande des Élus. Elle avait pour cela deux moyens d’action : la commission et l’audit. Très vite, elle se rendit compte qu’avec une commission, elle ne pourrait se permettre de faire l’économie d’une représentation quelconque tant les Druides étaient aguerris à l’exercice. L’audit avait l’avantage de pouvoir être commandé par une société privée. Son analyse serait rendue publique en temps et en heure. La décision politique s’en nourrirait. Aussi fit-elle assez vite pour l’annoncer dès les Conseils suivants. L’audit allait neutraliser une partie des décisions le temps que le Cabinet rende ses conclusions, puis alimenter l’écriture du nouveau projet d’Établissement que le nouveau Super Directeur aurait mission de mettre en œuvre.

Tout semblait presque honnête. Seul l’un des Maîtres d’armes s’inquiétait de cette mesure qui excluait de fait certains corps de métier d’être représentés. Il allait falloir imaginer comment contrer les décisions qui seraient proposées. Seul le principe de consultation allait l’aider. Il s’engagea dans cette nouvelle lutte : Chère Madame, si votre cabinet a mis en place un audit, c’est qu’il a pour mission de vous rendre quelques éléments de réflexion qu’il faudra transmettre à l’ensemble des services internes avant de le rendre public. Oui, oui, bien évidemment, c’est ce qui est prévu. Vous aurez les documents en consultation suffisamment à l’avance pour émettre votre avis. Oui, mais quand ? Cela fait plusieurs semaines que vous travaillez d’arrache-pied et, permettez-moi cette incise, obscurément, et nous n’avons toujours rien vu venir. Nos travaux ont été commandés par les Élus qui sont en droit de faire le point sur quelques applications techniques liées à leur responsabilité. Il n’y a qu’à ces commanditaires que nous devons des retours. Ces informations leur appartiendront. Ils choisiront la forme et la cadence de leur diffusion interne. Sur ce point, il n’y a pas de droit particulier que vous pourriez nous demander de respecter. C’est leur droit privé. Ils ont payé.

Ainsi la tonalité des échanges dévoilait qu’un grain de sable était en train de s’immiscer dans l’engrenage. L’audit, — et la Directrice administrative se demanda si le valeureux Maître d’armes ne l’avait pas pressenti —, n’était qu’un mot-valise pour autoriser l’administration à faire silence de son action. Il n’existait aucun conseil, elle n’aurait aucun compte-rendu, et pourtant il arriverait le jour où elle imposerait des mesures au nom de ces fictives conclusions qu’elle rédigeait avec l’aide précieuse des stratèges politiques du Parti. Alors, elle garda son sourire de façade, mais la main qu’elle tendait à tous en arrivant ou en partant, devenait de plus en plus molle. C’était le signe que son assurance faiblissait. Elle n’avait pas la poigne de fer que le Grand Nicolas infligeait à tous ses collaborateurs prouvant son invacillante foi. Ah ça oui, elle se sentait bien seule, sur le terrain, et elle n’allait pas supporter longtemps d’assumer la responsabilité d’une destruction massive sans l’appui d’un pouvoir hiérarchique. Il fallait convaincre de vite procéder au recrutement du Super Directeur. Elle aurait le pouvoir de le mettre sous tutelle le temps que l’idée fumeuse de l’audit prenne racine dans l’élaboration du processus, et elle n’aurait plus à devoir répondre de son action politique devant ce petit peuple à qui elle ne devait rien, car cette administration-là, sur ce territoire-là, tel qu’elle l’avait compris et accepté en s’engageant auprès du Grand Nicolas, n’avait pas pour mission de se mettre au service de la proposition populaire, mais bien de bâtir le rempart d’une ambition personnelle dont elle jouirait elle-même du rayonnement lorsque le tapis rouge serait déroulé devant la porte du plus fastueux des palais pour accueillir le nouveau règne de l’absolutisme. C’était, après tout, sur l’illusion qu’il fallait continuer de travailler et offrir aux charognards de la démocratie un nouvel os à ronger la laissant, elle, libre d’articuler tout ce qui était à sa disposition pour profiter d’un temps législatif échappant à toute conscience individuelle, fût-ce-t-elle hautement syndiquée. Elle demanda la publication imminente d’une annonce de recrutement. Et factum est ita. Marc arriva dans l’arène.

À suivre…


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[#GRP] – Un petit exemplaire d’une puissance de vie

Le 14 septembre 2012

Ma chère amie,

Il m’a fallu tout de même quelque temps pour me remettre de mes émotions. Arriver ici et, dès le premier jour, me faire interroger comme à la sortie d’un meeting d’indépendantistes basques, j’avoue que je ne m’attendais pas à ça. Oh, tout paraît clean, tout paraît simple. On accueille les bras grands ouverts, heureux qu’un jeune manifeste un goût certain pour la réclusion religieuse. C’est votre premier séminaire ? Oui, c’est mon premier séminaire. Et vous allez faire votre quête spirituelle à partir de quel fonds ? Et bien, ça, c’est une bonne question, mais je ne suis pas né de la dernière pluie. J’ai bien vu en signant le document d’intégration que je ne devais en rien révéler ce sur quoi je suis venu m’éveiller. Il en pousse à chaque recoin de l’abbaye, des petits gnomes en habits d’hiver qui remarquent assez vite que tu es un petit nouveau et qui tentent de te faire transgresser le règlement dès la première semaine. Je ne sais pas si c’est mon activité dans un réseau presque fasciste de l’administration qui me fait trouver des réponses adéquates, mais j’ai assez bien gouverné dès la première discussion : Oh, vous savez, je ne suis pas encore totalement établi, et je suis avant tout ici pour trouver ma voie en allant de trésor en trésor. J’ai bien évidemment quelques idées, certain qu’elles vont assez promptement être détournées par l’immense richesse de cette immense bibliothèque. Et vous-mêmes, sur quoi travaillez-vous ? Oh, moi, vous savez (on voit que lui aussi a été à bonne école), je ne fais que passer de fonds en fonds. Ma quête est inépuisable. Parce qu’on ne te le dit pas vraiment en arrivant. On te dit juste : « Lisez bien tous les paragraphes, surtout l’article 48a ». Alors, évidemment, tes yeux courent sur l’article en question : Pour des raisons de sauvegarde de l’humanité savante, il vous est expressément demandé de ne révéler à quiconque, y compris vos camarades de chambrée, le sujet de votre quête spirituelle. On signe et on est accueilli dans la bibliothèque. Une dame assez peu aimable vous initie au maniement de la base de données. Clic, clic, et le document, ou la caisse, arrive sur ta table de travail. J’ai l’impression que tout est automatisé et que personne, en effet, ne vérifie ce que tu viens d’emprunter. Ça paraît dingue. Ce lieu où tout semble moyenâgeux est peut-être la plus moderne des salles de lecture du monde entier. J’étais un peu fébrile au début. La première fois que je trouvais des listes contenant des documents liés à mon auteure adorée, et pas des moindres : sa bibliothèque personnelle, des revues de presse, et, — tiens-toi bien —, des romans inédits. Mon cœur n’a fait qu’un tour. Je voulais découvrir ses fictions. Je voulais les avoir toutes lues avant que quiconque s’en saisisse, et j’ai fait mon premier choix à partir des dates que je trouvais mentionnées. « Dans l’ordre ! », que je me répétais. Respecte l’ordre ! Il y a forcément un ordre à respecter ! Alors, j’ai pris le seul de la liste qui n’était pas dans ceux que j’avais déjà lus publiés. La bombe ! Incroyable ! Je savais que ce roman avait été refusé de son vivant grâce à la biographie, mais je ne savais pas pourquoi. Maintenant, je sais !  C’est hallucinant. L’État serait tombé si ce roman avait été publié. C’est du début à la fin un réquisitoire contre l’activité de certains groupes d’influence pendant la deuxième guerre mondiale, avec la mort qui fauche tout sur son passage. Jeunesse sacrifiée, peuple sacrifié. Au profit de quoi ? Je l’ai lu frénétiquement en prenant en note quelques passages, mais surtout, les questions : Combien de morts ? Et pourquoi sont-ils morts ? Et qui les a tués ? Tout cela se passait dans les campagnes françaises alors que mes grands-parents avaient une vingtaine d’années. Ils étaient là, concernés, ceux qui m’accueilleraient des dizaines d’années plus tard avec leur gâteau au yaourt. On ne sait pas, quand on a trois quatre ou même quinze ans, que ta grand-mère a peut-être fait ça, ou que ton grand-père a peut-être fait ça, quand ils ne sont plus que d’adorables vieillards scotchés à longueur de journées devant leur téléviseur. Est-ce que quelque chose aurait dû m’avertir ? Est-ce qu’il n’a pas manqué des séances d’explications en conseil de famille ? Ou des cours en primaire pour nous expliquer : vous savez, vos grands-parents, et vos parents, et vous-mêmes, lorsque vous serez confronté à des situations similaires, des situations d’extrême fragilité de l’humanité, que ferez-vous ? Qu’auriez-vous fait ?

Je passe mes nuits à chercher des renseignements sur cette période, non celle dont il est question historiquement, mais celle qui correspond aux années où ce roman a été refusé. Je n’étais pas encore né. C’était la vie de mes parents. Je la comprends peut-être un peu mieux, car elle m’est plus proche. Cela dit, c’est une force presque machiavélique. J’en fais des insomnies épouvantables renforcées par ces pierres ancestrales et ce vent qui souffle dans tous les couloirs. Aujourd’hui, oui, aujourd’hui, quel est mon degré d’acceptation d’événements absolument inhumains qui, s’ils étaient révélés par la presse ou, comme ici, par la fiction, seraient interdits de diffusion parce que je ne serais pas prêt à entendre la vérité ? Qui décide de ce que je suis capable de juger par moi-même ? En viendrais-je aux armes de la guerre civile, vraiment, si j’apprenais qu’on tue en mon nom dans les pays du monde entier, dans mon pays, dans mon quartier ? Que ces réseaux d’influence ne font parfois que se déplacer pour être politiquement plus corrects, avec me included, me voting, moi pestant contre l’arrogance de quelques directeurs qui supposent que tout leur est dû parce qu’ils ont été nommés à l’échelon supérieur ?

Comme tu le vois, je suis loin de la Fac et des préoccupations qui m’assaillaient encore il y a seulement quelques semaines. La douce vie de bisounours qui vient faire ses devoirs comme un bon écolier avec introduction annonçant le plan, développement et conclusion rappelant le plan. Sortir d’une épreuve et aller boire un verre sur le bord d’un fleuve. Penser aux vacances. C’était le moi d’avant, le moi d’avant la rencontrer, d’avant plonger dans ses archives. Je prends conscience que l’armée poétique dont je te parlais lors de mon dernier message a une réelle nécessité, car ce n’est pas fini : on n’a pas tout dit. Il faudra entrer dans le combat. Je ne sais pas encore par quelle porte, mais j’ai déjà quelques idées : écrire. Je t’avais dit que mon plan d’attaque allait être peaufiné. Ah ça oui, je le peaufine ! Je regarde tout ce qu’elle a laissé, et surtout, la manière qu’elle a utilisée pour le dire. J’entre dans la tanière d’un Génie. Je suis son apprenti. Depuis hier, j’ai ouvert d’autres dossiers, et je m’isole. J’arrive en retard aux repas. Je quitte la table dès la dernière bouchée avalée. Il faudra que je revienne. Ma recherche est ici, assurément, et je me méfie de tout, à commencer de ces gnomes qui tentent de m’extirper des renseignements. Je les vois fonctionner. Ils se mettent ensemble à table, forment des petits clans internes. Ils doivent très certainement se partager les fruits de leurs travaux alors que c’est absolument interdit, mais nous n’avons pas de vœu de silence à respecter. Nous pouvons parler de tout et de rien. Cela se fait par allusion. De toute façon, il y a des mots-clés partout. Si je te parle de tel ou tel thème, par exemple, tu seras à quoi je me réfère. Si j’évoque l’absolution du silence et de l’eau et que tu l’as lu aussi, nous aurons ça en commun, nous serons sur les mêmes pistes. De références en références, nous finirons par parler le même langage. Nous y voici : langage codé. Peut-être celui que j’utiliserai dans quelques jours pour échapper au contrôle que j’estime pouvoir être drastique en ces lieux d’où rien ne doit officiellement sortir. Vois tout de même comme l’humanité est belle, comme elle a prévu de se former elle-même dans l’éternité alors que la vie de chacun se compte en quelques dizaines d’années. Ma lutte qui me conduit aux portes de l’Université à la case départ, à sillonner les librairies pour trouver un sujet, à plonger dans l’admiration esthétique d’abord, — c’est-à-dire, à quel point faut-il plaire avant de convaincre, même en littérature —, puis le besoin de retourner la terre pour y puiser le sens même des quelques prochaines années de ma vie que je vais consacrer à tout autre chose que ce qui était prévu, peut-être avec une forme de violence que je n’aurais jamais acceptée, jusqu’à venir ici où tout ce que j’attendais semblait avoir été savamment rangé dans des cartons pour que je vienne le trouver. Un petit exemplaire d’une puissance de vie, sauvegardé on ne sait trop comment, un léger trouble en feuilletant quelques pages, peut-être même un scrupule à jeter ces kilos de papier. Un « on verra bien » qui se transforme en « mon action le rend disponible à toute forme de continuité possible », et c’est moi qui m’en saisis, avant même d’entrer réellement dans mon année universitaire, avant même de retrouver mes combats idéologiques du quotidien, presque pour me former, presque pour m’orienter avant de prendre d’importantes décisions.

Mille pensées.

À suivre…


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[MATP] – Vous avez carte blanche

— Vous êtes tout simplement un génie.

Ces mots n’avaient pas eu besoin de sortir de la bouche du Grand Nicolas. Ses yeux les disaient. Son cou les disait. Son torse se redressant lentement au rythme d’une profonde inspiration. Il était devant son miroir. Et le Général Popov n’avait pas oublié de peu à peu s’incliner devant lui pour qu’il paraisse encore plus grand, de plus en plus grand. La grandeur d’un homme se ressentait au regard qu’il portait sur lui-même, et celui du Grand Nicolas n’avait à ce moment précis aucun concurrent. Il précédait les paroles du Général Popov en écrivant le scénario de sa victoire. Il voyait les Druides tomber un à un. Tout lui apparaissait de plus en plus clairement.

— Continuez.

Le Général Popov savait qu’il avait gagné cette bataille des affiliés, qu’il en serait à jamais remercié, alors il continuait avec sa voix de miel à dérouler son plan machiavélique.

— Il vous faudra de la patience pour que l’aboutissement de notre stratégie soit à la hauteur de votre volonté. Je vais me poster parmi les infidèles et je vous ferai remonter toutes les informations. Pendant ce temps-là, vous aurez placé l’un de vos agents administratifs pour régler les mesures fondamentales. Il ne pourra rien se passer et tous les Druides se croiront vainqueurs. Ils baisseront la garde. Je les connais bien. Ils ont beau être merveilleusement organisés, ils ne sont pas dépourvus d’orgueil, et de me savoir au placard les réjouira suffisamment pour qu’ils ne se doutent de rien. Le plus difficile sera alors de procéder au recrutement de votre Super Directeur. Il sera venu vous voir et vous adopterez le même ton que celui que vous avez adopté pour me séduire. Règle n°1 : tout détruire. Règle n°2 : ne rien dire de la règle n°1. Je les ai laissés monter en puissance au sein des deux Conseils, mais imaginez qu’un jour ces Conseils ne soient plus opérationnels, qu’ils soient tout simplement inversés, que votre volonté prime sur le choix démocratique. Vous avez deux atouts de taille en main : la légitimité des urnes et votre parfaite maîtrise du territoire. Il suffira de vous faire le meilleur allié du Peuple, celui que vous nourrirez des seules informations que vous contrôlerez de la source au destinataire, car pendant cette période que l’on pourrait nommer ni plus ni moins un État d’urgence, votre agent administratif mettra tout en œuvre pour que rien ne sorte des débats qui auront certainement lieu sur les différents sites de l’École de formation. Voyez-vous pleuvoir des petits papiers bleus le jour de la fête de la ville avec de grands camemberts rouges effrayant la population que tout ceci leur coûte extrêmement cher et que bientôt ils ne pourront plus subvenir à leurs propres besoins à cause des impôts que vous êtes obligé de prélever ? Voyez-vous l’ensemble de vos agents transformés en distributeur d’informations sillonner les rues alors que ces feignants de Maîtres d’armes seront en weekend à se dorer la pilule sur le dos du contribuable ? Voyez-vous la rage envahir le marché, les bistrots ? Voyez-vous le vote populaire cingler aux oreilles des Druides le jour où sur la place publique ils oseront afficher leurs revendications et que votre Peuple, en votre Nom, leur criera : Ça suffit ! Nous avons assez payé ! Vous nous en demandez trop ! Ce n’est pas à nous de financer vos activités. Il y a des mécènes pour ça, des banques, des multinationales. Et j’entends d’ici les Druides leur répondre : Et vos enfants ? Qui va les éduquer ? Laissez-les tranquilles, nos enfants. Nous savons les éduquer. Nous n’avons pas besoin qu’ils soient enfermés des heures à apprendre vos rituels ancestraux. C’est la modernité, maintenant, la télé, les jeux de société. Les voyez-vous ? Les voyez-vous se déchaîner les uns contre les autres ? Et vous voyez-vous arriver pour vous ranger du côté de la veuve et de l’orphelin ? Vous voyez-vous entrer dans l’engrenage du monarque absolu réélu de scrutin en scrutin avec un pourcentage qui fera pâlir tous vos adversaires, à commencer par votre « petit » rival qui fera moins le fier lorsque tous les livres d’histoire vous seront consacrés ?

Ah ça oui, il se voyait. Il se voyait à présent partout dominer. La voix qu’il entendait était bien celle qu’il avait désirée devant son miroir pour lui révéler son Destin. Il n’avait plus qu’en ligne de mire le Général Popov tournant autour de lui et imitant tous les protagonistes de sa propre histoire. Il reconnaissait bien là son talent russe entièrement bercé par la lecture de Dostoïevski. Il fallait de l’envergure à chaque personnage, de l’intrigue à l’intérieur même des caractères, des doutes, des ferveurs, des amours sans limite.

— Je vois tout de suite l’un de ces Maîtres d’armes tenter de se mettre en travers de votre Destinée. Je le vois depuis le début vouloir en faire une affaire politique et faire retentir la victoire des Druides au-delà des frontières du Royaume. Celui-là, il faudra le surveiller de près, car il sera peut-être le dernier à tomber. Tous les autres finiront par comprendre qu’ils auront un intérêt personnel à se ranger du côté de la Force, mais lui, c’est un idéologue. Je le soupçonne même d’être un peu communiste. Pour le cerner et l’attaquer sur ses points de faiblesse, il faudra que votre futur Super Directeur travaille en étroite collaboration avec moi, et en toute discrétion. Ce Maître d’armes n’a de vue que pour la puissance représentative. Nous allons la lui détruire de l’intérieur, sa puissance représentative. Imaginez que son corps social soit infesté de taupes et d’agents entièrement dévoués à votre cause. Imaginez que le jour où il appellera tout le monde à voter, — et il le fera, croyez-moi sur parole —, l’ensemble de ses convictions tombent une à une devant ses yeux avec moi, au centre de ce petit groupe fraîchement reconstitué, manipulant les angoisses de chacun. Imaginez qu’il soit à ce point harcelé qu’il en finisse par ne plus fermer l’œil de la nuit, toujours au bord de la faute grave. Imaginez que sa santé ne puisse plus tenir devant la pression que nous allons appliquer aux portes de ce qu’il appelle encore son espace de liberté, à ne plus savoir comment il pourra faire pour protéger ses propres apprentis.

— Général…

Le Grand Nicolas s’était enfin retourné, posant une main sur l’épaule de son fidèle serviteur.

— Vous avez carte blanche.

À suivre…


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[#GRP] – L’autogestion d’un système de création totalement déconnecté des circuits commerciaux

Le 28 août 2012

Ma chère amie,

Je crois que je vais devoir brûler quelques étapes tellement tout ce que je découvre est riche, et je m’en rends bien compte à la difficulté que je rencontre pour seulement écrire un premier plan qu’il faudrait que je présente à Black Boy la semaine prochaine. Je sais déjà que les propositions qui se mettent en place ne pourront jamais convenir. Une littérature sacrifiée au nom de la Doxa. Qui suis-je, du haut de mon piètre parcours universitaire, pour me permettre une telle supposition ? L’idée de faire un plan conventionnel me tombe des mains, et je passe plus de temps à écrire mes récits personnels, car c’est une dynamique contre laquelle je n’ai pas envie de lutter : lire tous ces romans, auxquels s’ajouteront ceux que l’adorable biographe au sourire délicieux va me prêter toute cette fin d’année, me donne résolument envie de faire un push littéraire au cœur même du plus grand réseau d’écritures du monde entier : le WEB et toutes ses possibilités. Puisqu’elle avait tant à dire à son époque, publiant elle-même sa revue, n’aurait-elle pas utiliser tous les outils mis gratuitement à notre disposition pour diffuser son œuvre ? Je bondis chaque fois de ma chaise, extatique et fiévreux. Peu importe que l’université valide quoi que ce soit de mes trouvailles. Je comprends très vite ce qu’il faudrait faire de tout ce que nous sommes. Publier ! Faire part de ce qui me consterne dans tout ce qui m’entoure, à commencer par ces luttes insensées qu’on nous oblige de perdre parce que nous n’aurions pas le droit de dire. Et l’auteur ? Qui viendrait l’attaquer dans sa production dès lors qu’il fait fiction de la vie, dès lors que ce qu’il produit n’a d’autre nom que roman ou poésie ? J’ai beau m’être entouré de tous les pare-feux syndicaux et politiques, il n’y a pas d’espace de liberté plus grand que celui de la fiction, là où personne ne peut sortir la carte du politiquement correct ou du devoir de réserve. C’est un acte personnel, un droit inaliénable. J’ai déjà lancé auprès de mes camarades syndiqués l’idée d’un blog où seules les fonctions apparaissent, aucun nom, ni le leur, ni le mien, anonyme derrière un pseudonyme, où je constate qu’il se passe quelque chose de douteux au sein des communautés d’agglomération et qu’il faut que cela change, mais tu ne seras pas surprise : tous mes collègues sont en panique. Ils me disent de ne pas aller trop loin, ne veulent pas être associés à une signature collective. Je les place devant le seul moyen actuellement sans limite d’afficher nos revendications au public, et ils ne s’en saisissent pas. Le régime de la terreur est bel et bien installé. Et je n’évoque pas là l’obscur dix-huitième siècle. C’est là, c’est maintenant. On a plus que peur. On est terrifiés. Et je viens de lire en toutes lettres : on ne peut répondre à la terreur que par la terreur. Alors, je viens de constituer ma propre armée que je lance dès que tout sera prêt avec un calendrier précis et des bombes littéraires sans scrupule : un blog, bientôt des romans, tout ça sous un nom que personne n’aura jamais encore vu et qu’on n’associera à rien d’autre pour le moment qu’à un pauvre poète qui n’arrive pas à trouver d’éditeur, mais j’ai aussi de quoi m’aider d’un collectif. Je remets en mouvement le GRP. Comprenne qui pourra. Je ne doute pas que je rencontrerai rapidement quelques auteurs qui auront envie de me rejoindre, et ce sera ce que je préfère avant tout dans la vie : l’action.

Je me suis renseigné sur cette drôle d’abbaye où seraient consignés quelques textes non communicables. Ce sont pour moi, j’en suis sûr, comme ces textes fondateurs de doctrines pacifistes que l’on cache encore au public et que je suis allé dénicher dans les greniers de vieux militants du quartier. Je ne vais pas attendre d’avoir une bonne note à la Fac pour plonger dans l’inédit de la Pensée. Je ferai allégeance à cette confrérie feignant un subit attrait pour le fait religieux, car je comprends le biographe : il faut se plier à un dogme pour continuer la recherche. Je comprends que ce soit le pas qu’on n’ait pas envie de faire, la frontière qu’on n’ait pas envie de franchir, mais j’entends depuis quelques semaines déjà qu’il y a là une affaire de cet ordre. Je te l’ai même évoqué, je crois. Il faut y aller. J’ai pris rendez-vous pour une première rencontre, et je m’attends à quelques questions suspicieuses. Je m’entraîne. Vous ne serez pas déçus, chers frères, chères sœurs, qui que vous soyez. Je mangerai à heures fixes et ferai vœu de silence. Je viendrai faire quelques séminaires. Je découvrirai en même temps ce qui fut écrit jusqu’à la veille de ma naissance et ce que peut-être personne n’a encore étudié.

L’année qui se présente va être d’une grande intensité. Je reçois peu à peu les programmes de la Fac. Il y aura tout ça, aussi, à étudier, tous ces devoirs à faire, la confrontation de Rousseau et de Diderot à comprendre, la littérature contemporaine et quelques auteurs aux allures proustiennes, sans oublier l’anglais. Le format de tous les devoirs est quasiment le même : un sujet presque libre et un nombre de pages. C’est très bien. Tout ce que je cherche sera là, m’aidera à mieux formuler mon grand projet personnel : quitter les méandres administratifs dans lesquels je me suis embourbé. Nous venons de faire tomber une forme d’oligarchie qui a fait bien des dégâts dans nos filières territoriales et j’ai entendu la clameur du peuple à l’annonce des résultats. Elle venait de tous les quartiers, convergeait vers la place de la Bastille au son de la victoire, mais comme à la fin d’une guerre, certains que je fréquente au quotidien ne mesurent pas encore qu’il sera possible de rétablir quelques libertés qu’on nous aurait subtilisées à coups d’arrêtés municipaux et de réorganisations de service. Nous n’aurions qu’à nous soumettre à l’ordre précédemment établi, comme s’il n’était pas envisageable que cela soit radicalement transformé selon la volonté d’une majorité nouvellement nommée. Je sais bien que tout cela n’est qu’une tendance qu’il faudra apprendre à travailler durant ces prochaines années, mais je me réjouis tout de même d’avoir quelques arguments qui pourront toujours commencer par : « Ça suffit ! ». Ce que je trouve tout à fait symptomatique, c’est que la joie que nous avons ressentie dans les rues, je ne la ressens pas dans les bureaux où je travaille. J’ai l’impression d’être encore entouré de flics et d’espions en tout genre. On n’ose plus se référer en dehors du circuit hiérarchique qu’on nous a tracé. Force est de constater que l’administration a gagné du terrain et qu’il sera difficile de la déloger ou de la subvertir. Ça tremble encore. Je vois des visages glacés qui semblent se demander comment ils vont pouvoir faire à présent que l’arrogance du pouvoir a été retoquée. J’étais déjà effaré de vivre en direct un changement de régime. Cela s’était senti dès que ce fameux Président avait pris en charge notre administration quelques années avant son élection. Oui, le ton n’était plus le même. On nous sommait d’appliquer. C’était le principe d’une milice à secrets de fabrique. On nous plaçait un à un des échelons hiérarchiques sur la tête. J’avais repris des études littéraires pour, aussi, me doter de nouveaux diplômes et, pourquoi pas, partir vers d’autres circuits professionnels, quitter cet environnement sclérosant. Je n’en peux plus de devoir me taire. C’est aujourd’hui qu’il faut agir et mon auteure adorée va m’y aider incessamment.

J’aimerais aussi te prévenir d’un élément important avant même que quoi que ce soit advienne ces prochains mois ou ces prochaines semaines. Je t’ai désignée pour être mon alliée. Je vais te tenir informée de tout ce qui va se passer. Je n’ai aucune crainte que tu sauras rester discrète, et crois-moi sur parole : même sous la torture, je ne révèlerai jamais ton nom. Mon plan d’attaque sur le WEB est bien coordonné, mais je vais le peaufiner, le nourrir de ce que je vais trouver à l’abbaye. J’ai encore cette fébrile impression de ne pas être suffisamment formé pour me sentir légitime. Cela prendra peut-être un an, et j’entends déjà le paradoxe qui se profile au fil de ce message qui est aussi le fil de ma pensée. Il faudrait faire au plus vite, mais pour être pleinement opérationnel, il faudra aussi attendre le moment le plus juste ou l’outil parfait. Imagine que je naisse seulement aujourd’hui, qu’un auteur virtuel se mette à investir les réseaux sociaux dominants, laissant le temps aux moteurs de recherche de faire leur travail d’archivage et qu’un jour on ne trouve que ce que l’on doit trouver de moi, des romans virtuels et la pleine application de ce qui me semble être l’une des meilleures voies à explorer actuellement : l’autogestion d’un système de création totalement déconnecté des circuits commerciaux.

C’est totalement grisant.
Je suis prêt à me lancer dans l’aventure !

Mille pensées.

À suivre…


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[MATP] – « Je ne pourrai peut-être jamais m’arrêter de pleurer »

Ce n’est pas tous les jours que nous apercevons dans les brumes matinales le visage inquiet où il semble qu’aucune larme n’arrivera plus jamais à couler lorsque l’âge qui se devine traversé par toutes les histoires d’un monde sacrifié n’est plus celui du rire spontané de l’enfance mais porte désormais la gravité du temps. C’est à cela que je ressemble, les yeux bas, les joues creuses, les cheveux ternis. L’instrument des premières joies est devenu celui de la désolation, et tout ne fait plus que descendre vers la tonalité la plus sombre, la solitude d’un brave à qui on a volé le plus précieux des trésors. Il n’y aura peut-être plus jamais de bonheur dans ce cœur si fragile qui s’était vu renforcé par une voix mystérieuse venue du fond des siècles. Oh oui, l’inquiétude s’est installée peu à peu, à le voir de jour en jour se dégrader. Je venais de plus en plus tôt pour distraire cet engrenage. Il avait passé sa pause à ne rien faire d’autre que téléphoner, il n’avait pas mangé, il fumait cigarette sur cigarette, jusqu’à ce que je me montre, car j’étais déjà là, blotti derrière un buisson, l’épiant, devinant à la gesticulation de ses bras et au regard concentré qu’il plantait dans tout ce qui l’entourait, qu’une grave affaire l’occupait, et au moment où je m’approchais, doucement, n’éveillant aucun soupçon, il raccrochait, plus rien d’autre que moi n’existait, quelle que soit l’heure, quel que soit le temps que j’avais choisi qu’il me consacre, nous discutions un peu, puis nous montions. Son sourire s’effaçait peu à peu. De jour en jour. Je volais ces quelques secondes qu’il laissait échapper avant de se redresser, face à moi, être toujours celui qui ne faiblirait jamais, il m’aidait, il me parlait fermement. Grâce à lui, toute ma vie, je me battrais. Je n’avais pas encore les mots pour le dire, mais la foi avait trouvé là une pleine résonance. Je n’avais pas besoin qu’il me dise qu’il m’aimait. Il m’aimait. Tout simplement. Parce qu’il avait compris dès le premier jour que je venais là mettre en jeu un projet individuel de la plus haute importance et qu’il ferait tout pour que j’y arrive malgré toutes mes difficultés intimes dont je n’avais parlé qu’aux fées rêvées, aux étoiles illuminant le ciel de mon enfance.

— Tristan ?

Elle m’appelait ainsi, dans la douceur de sa voix maternelle, pour ne pas brusquer mon retour à la réalité lorsque je partais ainsi dans mes pensées, n’apercevant plus rien autour de moi que cette mémoire émotionnelle ayant trouvé son lieu dans le récit merveilleux que je construisais pour ne plus avoir à m’inquiéter des innombrables obstacles dont la vie semblait être jonchée et qu’il allait falloir franchir vaillamment. Mon prénom m’interpelait et je reconstruisais peu à peu les murs de notre salon où étaient suspendus des cadres de photos de nous, à tous les âges, en communiants, en vacances, en famille, nous tous, ensemble, aux sourires éternels. Je replaçais la table, les fauteuils, les plantes généreusement feuillues, et mon regard revenait à celle qui m’appelait si tendrement, ma mère, qui avait mis sa main dans la mienne, attendant patiemment que je sois disponible pour entendre ce qu’elle avait à me dire de si important.

— Il s’est passé quelque chose à l’Ecole de formation. La fin de ton année va être un peu perturbée. Il va falloir être courageux, mon grand. Ton maître d’armes est tombé très malade. Il ne reviendra sans doute pas avant quelques mois.

Non, il n’allait pas revenir, et Tristan le savait. Il l’avait lu dans son regard. Il avait lu l’immense tristesse d’un adieu. Il l’avait su. Il avait détaché son petit bracelet bleu et lui avait dit : « C’est pour toi. Pour que tu ne m’oublies pas ». Ah ça non, il n’allait pas l’oublier. Il y avait eu encore quelques jours d’une joie absolue. Tristan s’était préparé. Un premier grand obstacle. Il allait y arriver. Le rire l’aidait. Il profitait de chaque minute, traînait longtemps après en rangeant ses affaires. Sa mère venait lui confirmer que tout était réel. Sa réponse fut de celles qui s’inscrivent dans le chant lancinant de l’enfance : « Je ne pourrai peut-être jamais m’arrêter de pleurer ». Et une première larme se mit, doucement, silencieusement, à inonder sa joue, devant le sourire tendre de sa mère.

Le général Popov avait suffisamment exigé dans sa carrière que ses sous-fifres ayant commis la moindre erreur se sacrifient d’eux-mêmes sans qu’il n’ait rien à réclamer qu’il n’avait évidemment pas imaginé se justifier auprès du Grand Nicolas à la suite de ce cuisant échec public devant le Second conseil tout entier. Les rumeurs qui s’étaient échappées par les fenêtres de l’Ecole de formation avaient de toute façon très certainement été relayées sans qu’il ne soit nécessaire d’en faire mention lorsqu’il viendrait, dès la première heure, déposer sa lettre de démission comme il supposait qu’on l’attendrait de lui dans les sphères du pouvoir. Cependant, il avait gardé de son origine russe un orgueil tel qu’il avait imaginé une ultime stratégie grâce à laquelle il ne serait peut-être pas traité comme un vulgaire DGS. Après tout, il s’était jusqu’à présent sorti de tous les champs de bataille avec la plus belle des prestances, et ce n’était pas pour rien qu’il avait gravi un à un les échelons de la reconnaissance militaire. On n’allait pas si facilement faire tomber un général, et le Grand Nicolas allait comprendre, il en était certain, l’importance de sauver la face d’un pouvoir impérial même s’ils allaient devoir, ensemble, formuler les condoléances aux familles venues se recueillir sur les tombes vides de tous ces soldats sacrifiés que leur absolutisme avait tués au nom d’un patriotisme sans faille. Il savait que le Grand Nicolas aimait se redresser devant le grand miroir de son bureau et qu’il suffirait de se mettre près de lui pour faire surgir cette vision d’une toute puissance que personne ne pourrait altérer. Il allait lui révéler qu’il avait enfin mis en fonctionnement le grand NDA dont il avait rêvé et qu’il allait désormais occuper une place volontairement discrète pour à la fois observer de près les conséquences de son action et alimenter ce magnifique projet dès qu’il serait possible de le faire, notamment en participant à la lente autodestruction de cette communauté de Druides dont il pouvait désormais témoigné qu’ils étaient encore trop soudés pour qu’une opération officielle déstabilise leur solidarité. Pour cela, il allait falloir, tout simplement, feindre le déclassement, et le laisser agir humblement dans le tissu représentatif d’un département disciplinaire à l’intérieur de l’Ecole de formation dans le but de faire plier l’opinion, et laisser temporairement la gestion de la structure à la rigueur administrative d’un intérim forcé avant de nommer au rang de Super Directeur l’un de leurs agents en cours de formation dans les arcanes stratégiques du parti politique dont il était, il n’allait pas falloir oublier de le lui rappeler, le Président fondateur et l’Elu incontesté.

À suivre…


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