Meurtre à la Roche-Bernard au format Kindle sur Amazon

Meurtre à La Roche-Bernard est désormais disponible sur Amazon pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent lire la nouvelle sur leur liseuse Kindle. Tous les renseignements sont sur l’image ci-dessous ou, si l’image ne s’affiche pas, en suivant ce lien.

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Quinze jours pour commander avant la trêve estivale

Voici que vivent, à leur manière, deux livres d’ouverture, Vue sur le cimetière suivi de Vortex Temporum, et L’intimité n’a plus de lieu possible, mon premier roman poétique.

À leur manière, car ils sont là, prévus pour durer, et qu’ils font leur chemin, dans certaines vies, à la rencontre de tant d’autres écritures.

Je pars quelques semaines sur mes lieux d’écriture pour élaborer, — et finaliser pour certains —, les prochains opus de la collection.

Il y aura des textes réservés pour la magie du WEB et d’autres prévus pour être feuilletés, cornés, annotés, transportés, rangés.

Jusqu’au 7 juillet 2019, si vous commandez ici, vous l’aurez dans la foulée. Après, il faudra attendre la rentrée.

Merci pour votre fidélité.

Bonne lecture

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[DIRECT LIVE] – 024

Au fond, ce n’est pas si grave si on aperçoit à ce stade comme tout prend forme, puisque j’en ai besoin. La question de l’hôpital psychiatrique pourrait revenir. Il en était question au début. Ce serait bien d’y revenir. Pour ce faire, nous n’avons plus à inventer. Tout est sous les yeux. L’étrange difficulté qu’ont ces enfants, parfois, d’écouter. Ils savent faire. Ils peuvent faire. Et voici qu’on en parle à demi-mot. « C’était bizarre ». « Il arrive. On est toutes avec lui et on fait un câlin tous ensemble ». Quelques mots seulement. Je ne suis pas là pour faire parler. Tout se dit avec simplicité. Ce sera sans doute quelques épisodes, comme celui-ci. Je ne fais plus qu’accumuler de la matière et les dés jetés œuvrent. On n’a jamais trop de matière. La vie s’oriente doucement. Mon point de vue change. Ou plutôt, je sens que mon point de vue change. Je sens que le monde m’apparaît autrement. Sans surprise, j’avais sans doute tout mis à l’envers, comme lorsque je sors d’une station de métro, avec ou sans plan, pour la première fois. Je me trompe. J’hésite, je pars peut-être dans le bon sens, puis je reviens, puis je repars, puis je traverse, puis je regarde encore le plan, et depuis l’ère des smartphones, l’appareil tendu face à l’horizon pour essayer de comprendre où est le Nord, puis je me décide, et ce n’est jamais la bonne direction. Je reviens dans l’autre sens. Et pour les choix de la vie, c’est pareil. D’abord l’errance, puis la conviction que c’est cette voie qu’il faut suivre, puis des essais, puis des échecs, et j’arrive à la conclusion que je me suis trompé. D’un coup, je me suis investi dans un domaine alors que c’était peut-être le piège à éviter. Il n’y a pas de mode d’emploi. Cela prend parfois plusieurs années. Oups. Désolé. C’est une erreur au démarrage. Je vais tout réparer. Puis tous les débuts reviennent. Tous les choix. Tout est maladroitement réalisé, à cause de cela. Et je le vois partout. J’ai fermé les portes. Puisqu’il est impossible de saisir l’intégralité de ce qui se passe, ni même d’en saisir l’immédiateté, alors qu’entre chaque phrase, d’un document à l’autre, tentant d’y voir clair, les pensées s’envolent. Avec elles, tant de situations, tant de noms. Je ne veux pas en parler. C’est une partie du passé. Ce qui fait face, c’est autre chose, c’est mon besoin de ne plus avoir à expliquer à qui que ce soit ce qui arrive, parce que je ne veux pas le savoir, je veux laisser ouvert toutes les possibilités, sans craindre d’être déjà dans le paradoxe de tout ce qui tombe, même entre ces lignes, alors qu’elles n’ont pas d’autre objectif que de compléter, au risque qu’elles ne servent jamais à rien, car c’est bien une des données qui ont changé. Cela aussi, j’ai mis plusieurs années à le comprendre et à l’admettre. Le comprendre, c’était facile. L’admettre, plus long, plus fastidieux. Avec une question à laquelle il sera peut-être inutile de répondre : « Qui d’entre nous était le soignant ? ».

À suivre…

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[DIRECT LIVE] – 023

L’empoisonnement agit encore virulemment. Ce sont des histoires qui se racontent dans le silence de nuits lourdes. Le détail qui avait failli me porter au-delà de ce que j’attendais s’est évaporé dans l’atmosphère. L’écoute était tout autre. Je n’arrivais plus à m’entretenir. Voix éraillée. L’oscillation n’est plus qu’un battement de cœur, une source, avec mes propres mots. Là où tout s’effleure, je travaille en profondeur. Il n’en restera que quelques bribes. Je le sens aux verbes qui m’obligent à me situer. Ce présent dont on ne touche que l’instant même de la grâce, il ne se partagerait pas, autant que toutes les autres fictions, dès lors qu’une théorie s’immisce, ralentie l’influence qu’on aurait de ces vies entières relatées en quelques phrases, lorsque je mens, ou lorsque j’attends, pour protéger ce que je n’ai à ce jour jamais lu, ni de moi ni d’un autre, voyant à quel point même attentif à tout ce qui se déroule, je dois encore apprendre à quoi se lie la durée, à quelle nécessité, tous ces chemins que je dois emprunter, pour ne rien laisser de côté, ne rien feindre, car malgré toutes les analyses énoncées, toutes les manœuvres dénoncées, je n’ai de vrai à dire que ce qui m’aspire, cette énergie continue d’une seule vie, comme une enveloppe laissée sur une cheminée sur laquelle est inscrite la mention « ne pas ouvrir avant ma mort », qui ne se découvre qu’une fois terminée, parfois le temps d’un livre, le temps d’un seul soupir, je les vois, alité, j’en forme lentement l’unité, sans rêve, sans peine, l’enfermement, le soin, et bientôt l’aventure. Pour le moment, je fabrique des formes de dépendance, je me lie à des violences fictives, non que je n’en aie aucune de réelles, mais que les inventées, ou les distribuées, à la volée, comme tout le monde, pour être avec le monde, pour ne surtout pas avoir à revendiquer l’individualisation de ce besoin, à chaque détour, de détruire l’image qu’on aurait de moi. Je déplace. Le sujet se déplace. Il change de corps. En faire de l’imaginaire est une nécessité. Cela soigne partout. Non partout au sens de tout le monde. Partout au sens de immédiatement. Il manque peut-être cette auto-reconnaissance d’une valeur paradoxale qui ne s’accorde à aucune autre valeur paradoxale entourant le quotidien de chaque émotion. Le pire serait de croire qu’il n’y a qu’une seule loi, égalité de l’être en ce domaine précis où ne se trouve, au contraire, que la puissance d’un seul, dans le rare, — et l’unique, sans doute —, espace où elle s’exprime sans retenue, où il n’y aura jamais d’heure pour le dire, jamais de manière convenue, jamais de tournure adéquate. C’est pour cette raison que le décor n’a plus lieu d’être, à part l’imagerie provoquée par l’Esprit à l’instant même où le regard intérieur virevolte, s’ancre ou se disperse, où s’échappe l’intégralité des codes dans la mémoire de ce qui a été au premier jour, propulsé, source de vie, au centre d’un tout opérant qui réclame qu’on le possède, qu’on l’altère, pour mieux orienter cette part du vivant qui ne saurait être démuni de sa fonction. J’ai bien vu à quel moment il n’était plus envisageable de penser autrement, lorsque l’émotion envahissait toutes les productions de l’être, les larmes aux yeux, tendant la main, pour s’entendre dire qu’il y avait dans tout cela une voie raisonnable, une voie juste, une opinion fondée. À partir de là, ce n’était plus le même savoir qui se mettait en action, ce n’étaient plus les mêmes influences. C’était l’autoformation d’un désir originel, et déjà, je savais, je savais comment il faudrait faire, je savais le temps que cela prendrait, je savais que tout ce qui entoure ne serait plus qu’un rempart à abattre, que rien ne pourrait y résister. Désormais, l’état d’urgence est terminé. Téléphone portable en mode avion lorsque je sors de chez moi, qui me servira de montre (puisque je n’en ai plus) et d’appareil photo (puisque je n’en ai plus). De cabine téléphonique aussi (puisqu’il n’y en a plus). Et je rentrerai le soir chez moi, découvrant à l’ancienne les messages du jour comme on les découvrait jadis sur nos répondeurs (lorsque nous en avions). Et je rappellerai s’il n’est pas trop tard, ou j’attendrai le lendemain. Et si je suis chez moi, on pourra me joindre. Sinon, il faudra calculer, ou se souvenir qu’à certaines heures, je ne suis pas joignable. L’expérimentation sera radicale durant une semaine entière. Je préfère le « il n’est jamais chez lui » (ben oui, je travaille presque tout le temps) au « il réagit dans la minute » (supposé disponible 24h/24). Je n’en voudrais pas à celles et ceux qui tenteront de toujours tester ma réactivité. Ce n’est plus possible, en notre temps, d’être constamment en travail de notre propre soumission à la doxa commerciale. Et tant pis, donc, si on ne comprend pas. De toute façon, d’une manière générale, on ne comprend pas. Il faudrait vivre ensemble au quotidien pour comprendre. C’est valable pour l’ensemble de l’humanité. Le jugement tombe. La disponibilité s’oriente différemment. Le journal à l’heure du journal. Fin des expressions télévisuelles permanentes. Voici le livre à nouveau, seule actualité de la Pensée, dans toute sa dimension, qui arrivera lorsqu’il sera prêt, viendra s’intercaler, dont on évaluera (il faut parfois des siècles) le contenu, réellement, ne pointant plus du doigt l’obligation de correspondre aux valeurs économiques. Je ne les nomme jamais pour que vous les trouviez vous-mêmes, en vous-mêmes, les anciens, les traduits, les adaptés, les mis en scène, qui continuent de s’adresser à nous directement. Ils tombent entre nos mains toujours à la meilleure période. Ils nous arrachent du quotidien des autres pour nous sceller en nous-mêmes. Tous les trajets effectués n’ont alors presque plus de moyen de venir polluer ce qui se profile réellement : l’émergence d’une forme nouvelle qu’on ne pouvait prédire avant de la dire, dans cette articulation qui a déjà tant d’effets que je place ce qui s’en était conclu dans une sorte de nuage informe signifiant qu’il ne fallait pas tenter vouloir tout à coup décider ou tout à coup se réjouir qu’une option s’entrouvrait. C’était le piège. Voilà ce que je vais faire en rentrant, mais en rentrant, tout est différent. La dernière phrase n’est pas celle que je m’attendais à trouver. Quelque chose a travaillé pour moi. Oh, rien d’automatique, je vous rassure, ni programme de la NASA, ni quelconque robot estampillé « AI ». Il s’était versé dans les mots de quoi m’occuper quelques heures. L’esprit avançait, tournait même. Sur le retour, ça continuait. Dans l’escalier, ça continuait. Et assis à ma table, face à la réalité, je ne vois plus qu’une étude de ce lieu où je me suis établi, je vois l’infrastructure du réel, ses fondations fortes, ce qui permet que défile la parfaite autonomie du langage, et je n’ai plus aucun doute sur la nécessité d’aller jusqu’au bout, voire d’envisager d’aller encore plus loin en cours de route. Plus loin, dans l’avenir. Plus loin, dans l’isolement singulier. La joie d’une telle perspective devient envahissante. Tout devient drôle. Les pantins se disloquent. Le plus amusant, c’est le récit qui n’était gravé nulle part, ou plutôt qui n’avait jamais été immortalisé, extériorisé. Je comptais l’autre jour le nombre d’années qu’il m’avait occupé, surtout la nuit. Je m’en servais pour m’endormir. « Où en étais-je ? », commençais-je, et l’histoire continuait. D’abord l’étrange concomitance de deux êtres passant leur vie à s’attendre et à se chercher. Deux entités se respectant mutuellement, l’un étant sans doute le spectre de l’autre. Le fait qu’ils soient deux avait été admis sans même poser une seule question. On les protégeait. Ils s’aimaient.

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[DIRECT LIVE] – 022

La mémoire s’est réinstallée exactement au point où j’en étais. La recherche a donc été fructueuse. J’avais tenté d’y voir plus clair. L’aboutissement est à la hauteur de ce que j’attendais, dans la pureté des mots que j’ai choisis de taire. On croira qu’une année a passé. On croira qu’un siècle. On croira ce qu’on veut. Un passage à l’acte. Tout semblait fragile, imparfait. Et pourquoi pas ? Pourquoi pas, en effet, cette manière, ces options, cette implication et, de temps en temps, cette consternation. Maintenant que les deux écrans de l’âme sont allumés, et que je n’ai plus qu’à penser ce que je réalise, à la fois ce que je fais et ce dont je prends conscience, à force d’appliquer les mêmes énergies aux diffractions. J’ai cessé de croire que je n’allais qu’à un seul endroit. La vie s’en compose ainsi, et le reflet n’en sera jamais suffisamment fidèle pour qu’on s’arrête à une seule et même version. Tout s’est accompagné pour n’avoir plus qu’à être là où je souhaitais être, sans préjuger ni des conséquences ni des effets d’une forme d’isolement tendre avec les outils du quotidien. J’avais besoin de ce recul pour évaluer en quelque sorte la pauvreté d’un discours, le malaise qu’il portait en lui, constat que seule la littérature m’a rendu. Je l’avais bien cherché. Ces mots éparpillés ici et là se rassemblent. Ils ne serviront à rien d’autre que de signifier ce que c’est d’avoir rencontré chaque jour l’expression d’une loi que j’avais jusqu’ici ignorée : qu’il ne servait à rien d’entrer en qualité. Qu’il suffisait d’effleurer. Alors, j’effleurais, pour tenter l’aventure de ce mystérieux monde ouvert aux seuls audacieux. C’était ça, maintenant : une grande pièce vide, des phrases sans consistance. À cause des multiples facettes qui s’étaient découvertes. Ils étaient tous morts. Les protagonistes. Plus rien n’existait que la foi, l’étape suivante en gestation. J’en parlais nuit et jour avec les artifices. Je m’étais éloigné de toute fiction. Je les en avais repoussés. Ils n’y seraient pas. Morts. La page précédente n’a plus d’influence. C’est le roman suivant qui s’écrit. Je pensais que la méthode viendrait à bout des méandres, qu’il suffirait de suivre les mêmes chemins pour aller un peu plus loin, mais tout me disait le contraire : ce serait si différent qu’il faudrait tout réapprendre, à nouveau, le langage mot à mot énoncé, les quelques sons que je voudrais garder, pour l’idéal, pour l’image que je voulais enrichir aperçue dans les mouvements du ciel, si agité. On nous préfèrerait derrière un bureau en train de nous auto-assigner. Je donnais une importance démesurée à quelques éléments qui aujourd’hui n’ont plus aucune accroche. C’étaient de simples rôles, souvent non mérités. On avait franchi la bonne porte au bon moment. Presque un coup de la chance. Pour autant, cela ne pouvait pas être quelqu’un d’autre. Quelque chose avait pris. Le gant parfait. Au point qu’il fallait mettre en évidence ce fait peut-être un peu fou : quel que soit l’événement, tout ce qui est là a eu lieu, et je n’ai pas d’autre existence. Les morts l’ont toujours été. Les lois sont aussi là. Je ne fais que coexister dans la fracture du temps, élaboration technique d’une justification valable dans aucun corps, ne résonnant dans aucun être. La peur de ne plus en être disparaît totalement, puisque je suis là, puisque c’est moi qui le dis. Je ne fais donc que retenir l’événement au cœur même de l’œuvre afin que soit provoquée la pulsation du réel. Voici ce qui est aujourd’hui. Voici le panorama. Dans le journal posé, dans l’expression des visages rencontrés, avec toutes nos histoires racontées, les pièges dans lesquels nous tombons. Aspiration et effondrement. En même temps. La puissance ne peut qu’être. On ne peut la combattre. Je ne vais pas en faire la liste. C’est bien ici que je veux continuer.

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[DIRECT LIVE] – 021

C’est le cap à passer, désormais. Je n’ai pas à m’excuser de m’être laissé posséder par de nouveaux harcèlements. Et je n’ai pas à faire sens là où je ne souhaite pas qu’il y en ait. Il faudrait encore que je supporte cette sorte de regard méprisant, jusque dans l’allusion discrète, presque amoureuse, en plein cœur, ce même cœur qui peu à peu s’essouffle de devoir lutter contre ce qui serait le pire : un paysage dans lequel je ne voulais pas m’engouffrer, et pourtant j’y suis, en incrustation, ficelé, sans défense. Je n’ai rien d’autre à imaginer que le faire : prendre ce temps de revenir sur ce qui insupporte jour après jour, malgré l’évolution sociale, malgré des formes de reconnaissance qui ne correspondent plus au temps de ce que je suis devenu en seulement quelques heures. C’est une histoire d’acharnement à laquelle j’adhère par principe, car les pas qu’il fallait faire pour se situer ailleurs, je les ai faits et je suis prêt à les assumer, mais ce ne sera pas au détriment de mes propres réalisations. À aucun moment, je ne cèderai ce besoin de contrôler la manière avec laquelle je me présente au monde. Je ne laisserai pas ce jugement s’installer. Je dois sauver en moi l’espace de la liberté. Le social s’interpose. Encore une fois, je fais le choix d’en payer le prix. C’est disproportionné par rapport à ce que cela pourrait changer dans ma vie personnelle. Je sais que ce n’est pas pour cela que j’agis. Il y a autre chose. L’articulation n’a aujourd’hui aucune valeur à cause de la singularité que j’ai décidé de maintenir, taisant l’intégralité de la démarche, n’espérant rien de ce que j’investis, donner sans recevoir, ne trouver en moi que le silence d’une vie déplorable, toujours au bord de l’ennui, je tourne en rond pendant des heures, je place des masques sur ce qui n’a plus de raison d’être. Je vois cette confrontation se préparer. Je n’ai aucune réponse. Tout ce qui se fait actuellement échappe à la notion même d’élaboration. J’ai voulu ce sable mouvant. Pendant que les mouvements cessent de mobiliser l’énergie nécessaire. Alors, tout serait resté tel quel. Rien n’aurait été appris au long des pages, à ce stade, dans l’angoisse du quotidien. Il est vrai, cependant, que je vis une vie parallèle. Le décrire serait trop en dire, ou me mentir, même, car je n’ai aucune envie de voir cette vie-là défiler sous mes yeux, non qu’elle soit réellement secrète, ou, pourrait-on dire, à protéger, mais plutôt parce qu’elle n’a pas de fin, contrairement à cette autre vie dont on viendrait tout relater jour après jour. On y verrait tout ce qui a abouti, tout ce qui, en cours, mérite qu’on s’y attarde, alors que l’infini s’est déployé autrement. Dans un ailleurs, ce serait trop facile. C’est plus qu’une imagination. C’est en même temps, aussi influent. Un lieu où tout se rencontre, sans heurt, où je ne me demande pas pourquoi tel arrive, tel repart. Puisqu’ils sont là. Welcome. Je ne m’attendais pas à ça. De te revoir, d’entendre là où tu en es, de te lire, même. Wow. Quel parcours ! Au début, je ne voulais pas venir lui parler. Je m’étais : « Laisse-le tranquille avec tout ça ». Mais c’était plus fort que moi. Il fallait qu’il sache, d’abord, que j’étais là. Alors, comment mieux faire que de rester un peu, de papoter avec les autres, de faire semblant de rien, puis de venir le saluer. « Crois-tu vraiment que je ne t’avais pas vu ? Tu étais presque au premier rang, buvant mes paroles. Tu étais au bord de poser une question. Toujours d’accord avec ce qui se disait autour de toi ». Je n’ai pas vraiment pensé ta présence. Je l’ai constatée, évidemment. Tu étais là. C’était un fait. Comme marchant dans la rue. Au détour de quelque rue. Te voilà. « Que fais-tu là ? ». Tu es la dernière personne que j’aurais imaginé rencontrer dans ce quartier. « Que deviens-tu ? ». Et tout est banal. Tout est convenu. Aussi bien ton sourire que cette permanente surprise que tu affiches. Je me rends bien compte qu’à présent je te considère autrement, comme te prenant d’un peu plus haut. Je me sens élevé, depuis ce jour où j’ai pris la décision que plus rien de toi n’aura d’impact sur ma vie. Le réel s’est conçu dans une dimension qui ne te concerne plus, mais tu persistes à vouloir y être. Tu reviens. Tu réapparais. Il y a quelque temps, j’aurais pesté contre cette malchance de te voir encore sur mon chemin. Je voulais l’écrire dès le premier jour. Je suis dans l’autre sphère où se travaille une sorte de volonté. Les bras croisés. Mon refus d’obtempérer. Mes mains sont toujours aussi douces. Je revis l’agression exactement de la même manière. C’est tellement déroutant. Regardons tout ce chemin parcouru. Il aurait fallu une pause pour s’expliquer. Je préfère laisser libre cours aux sensations réelles. La même chaleur qui m’envahit. Il a manqué quelque chose au début d’un roman. C’est cela que je veux décrire. Comment cela disparaît de nos injonctions. Les mots qui courent le long des pages pour installer le lecteur dans la fuite. C’est ainsi que tout se passe à longueur d’années. On se décide. Le plan est établi. On préfère tout éviter, partir sur des monts inaccessibles. Avec la seule donnée disponible : la sensibilité. Le souvenir d’un bien être absolu au centre d’une nature à laquelle nous serions prêts de tout dire. Je veux tout dire. Comment, souvent la nuit, j’élabore une stratégie de conquête, comment la forme se dessine sous mes yeux à travers une période que je choisis de ne pas contrôler. On verra bien, pourrais-je conclure. On verra bien. La confiance est telle qu’elle n’empêche plus rien. Ce n’est plus qu’un autre moi à l’œuvre, où je ne suis pas perdu. Je lis partout d’autres propositions auxquelles je n’apporte aucun crédit, à cause du thème abordé, cette chronologie du quotidien, comme si cela pouvait être intéressant pour quiconque de savoir à quel point il était impossible de vivre cette longue journée, comment il était impossible de décrire le ciel, puis ce qu’avait dit untel, ce qu’avait fait untel, à cause de la banalité de tout ce que cela venait révéler. J’ai pris une autre option, dès le plus jeune âge. Et ce qui m’intéresse, c’est ce qui ne sera jamais écrit, cet autre monde que je m’offre de vivre pleinement.

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[DIRECT LIVE] – 020

Le premier point à travailler, — et tant pis si cela prend toute la nuit —, c’est la capacité qu’ont ces sujets de s’incruster dans le quotidien. On y pense après si longuement, que l’action doit avoir une certaine forme d’efficacité. Je ne veux pas croire (ou plus croire) que je suis un candidat idéal, faible par nature. D’abord parce que j’ai conscience qu’il suffirait de ne plus en parler pour que ça n’existe plus. Ensuite, parce que j’ai tout de même eu quelques expériences de harcèlement psychologique et que je sais à quel point la figure de ces bourreaux et de leur(s) manière(s) ne peuvent en aucun cas disparaître complètement. C’est dans l’émotionnel. Par vagues, tout revient. C’est parfois éphémère, mais ça revient. Aussi, ce serait mentir sur la réalité de ce que je traverse que de taire ces obsessions, mentir et donc participer au déploiement de la perversité. C’est le premier atout qu’elle met sur la table : le silence. Taire, faire taire, faire dire le contraire, faire croire, faire semblant, d’oublier, de se tromper, tout en manipulant, derrière, la grimace, et BANCO ! Je possède, je dirige, je contrôle. Il suffirait de fermer les yeux quelques secondes pour visualiser tout ce domaine de conséquences, avec cette polyphonie incontrôlable, ces sortes d’images se figeant dans l’espace, traversées par des vignettes, comme une trace lumineuse qui viendrait apparaître et disparaître une seule seconde, tout en mouvement, entrelacée, et encore, évoquer les secondes serait donner une mesure du temps, ce n’est pas ce temps-là, c’est bien plus vaste. On pourra dire au réveil : « Ça a duré presque douze heures », une fièvre, un délire, mais ce n’est pas possible, c’était bien plus long, il s’est passé tant de choses, il y a eu des vies entières qui sont passées. Tout cela n’a plus beaucoup d’importance. Le temps que cela prendra n’a plus beaucoup d’importance, car ce qui compte désormais, c’est de travailler sur ce qui focalise et revient non en boucle, mais de manière tellement récurrente que je me demande si un jour tout cela s’achèvera. C’est peut-être ce temps littéraire qui s’est mis en mouvement, de ce fait, de cette constatation, de cette humiliation. Les visages qui reviennent sont inscrits dans mon corps. Ils n’ont plus part aux rêves, ou du moins, je n’en sais plus rien. Ce sont des vagues, plus que des flashs. Des prénoms qui ne cessent de sonner. Ils insistent. Ils persistent. Ces personnages ont peut-être quelque chose en commun. On pourrait dire, globalement : « Ils sont deux ». Une femme et un homme, ou plutôt, une fille et un garçon. Côté comportements, il n’y a presque rien de commun. Je m’adresse aux deux encore malgré tout ce qui s’est passé. Je l’entends d’ici : « Il faudrait passer à autre chose, voir du pays, de nouveaux amis ». Tourner la page. Voir quelqu’un qui pourrait aider à y voir plus clair. Puisqu’ils sont là. Je n’ai qu’à faire avec. Je ne les nomme pas pour ne pas leur offrir la consécration, être tout à coup le sujet identifié d’un auteur en errance. Ce serait presque leur rendre hommage, et je m’y refuse, au même titre que toutes celles et tous ceux soit qui m’ont influencé soit qui m’ont formé. Je préfère l’évocation, car je sais que leur empreinte n’est que le masque d’émotions qui ne peuvent encore se gouverner, et c’est bien elles à travers eux que je veux interroger, en puissance, dans le silence de l’écriture, sans lendemain, que je sais vouer à ne rien devenir, ni reformulée, ni portée à quelconque connaissance, comme d’autres le feraient, racontant leur journée, leurs rencontres, quand le rendez-vous avec le quotidien se force avec quelques phrases, comme si nous avions besoin de cela, nous autres, de perdre ce temps précieux rongés par la curiosité envers une pseudo communauté, toujours à continuer la bavure sociale de la reconnaissance, du m’as-tu-vu, d’un nombre abjecte qui se précipite, alors j’imagine tout ce qui n’a pas été dit, tout ce que tout cela pouvait contenir, lorsqu’il suffisait d’expliquer. C’est simple, nous avons un lieu que notre aspiration a fondé pour créer, et nous avons besoin de chacun pour que cela ait du sens, mais la plupart reste aux portes, aux frontières, en surface, au-dessus, pas trop loin. « On vous prendra en compte ». Le mensonge se répète, et pour éloigner, on utilise une vieille méthode. Un mot que l’on comprend suivi d’une phrase énigmatique se développant sans égard. Nul ne serait censé ignorer ce dont il s’agit. Regards de « Ah oui ? ». Départs discrets. En profondeur. Vers le roman suivant. Puisque que c’est de lui dont il ne peut être que question. Puisqu’il n’y a que cette histoire qui se raconte, ici, dans l’antre du présent, que j’ai désiré comme un repos, ne laissant plus rien agir, le balancement revenu. Ils étaient deux. En construction. Un roman à deux voix. Pour une oreille ou pour l’autre. Dans les deux sens. De ce qui s’écoute au cœur de l’être. À force de toujours vouloir guider. Pour éviter l’impasse. Je ne suis donc pas au bon endroit et quelque chose s’évite. Je l’entends lorsque je me le dis, lorsque je me parle. Ce n’est pas vraiment tourner la page ou passer à autre chose. C’est plutôt comme en finir là. De ce lieu où je me suis engouffré par nécessité, pour tout élever au-dessus de ce qui m’avait conçu. J’y avais été désigné comme on envoie le fils d’une fratrie dans un autre pays pour y saisir des moyens, de l’argent. Ou je m’étais proposé. Ou j’avais cru que ce pouvait être cela, un rôle à tenir, une place à prendre. Je ne m’en souviens pas. Il doit y avoir un peu de tout cela. J’étais si jeune, et pourtant une mémoire ancienne me revenait. Une vie d’avant agissait. Ce sera mon moyen d’y arriver. Je me le suis toujours dit. Je ne me souviens pas d’autre désir que celui-ci. Une seule option. Pour en être là, après tout ce qui a été traversé. Je n’ai plus que les nuits pour y penser, sans jamais rien conclure qui pourrait me mettre en danger, socialement. Il faudrait un ravage. Un effondrement. Mesuré. Calculé. Quelque chose qui vienne s’interposer dans le langage d’une telle manière que cela révélerait l’enjeu auquel je suis venu me confronter. Les liens se feront en temps et en heure. Pour le moment, les temps sont séparés. Ils œuvrent chacun de leur côté. Tout oublier, violemment. Dès que je me retrouve face au seul travail qui compte, alors que je vois ce qu’il faudra bientôt remplacer, parce que cela disparaît, à cause d’une masse qui s’est peu à peu éreintée à ne vouloir que dire une forme du réel au sein duquel il n’y a rien à attendre. C’est l’inespéré. C’est l’inattendu. De ce qui s’écoute au bord d’un canapé, la cigarette aux lèvres. Entre chaque point un univers tout entier pour se laisser gagner par l’absolue suspension de tous les décors faussés de notre imaginaire lorsque les mots n’ont plus qu’un seul réseau où se trouver pour former ces cascades infinies qui de la source à l’estuaire pulsent, tracent, les contours d’un monde unique pour seulement quelques-uns. La frontière est franchie. Je suis de l’autre côté. Si je regarde dans cette ancienne direction, c’est plus pour vivre l’intensité d’un autre point de vue que de contempler avec regret le paysage que je viens de quitter. Comme une dernière fois, soupirer. C’était là que tout m’identifiait, me signifiait. Je me retourne et je marche lentement sur cette nouvelle rive où j’entends mieux le chant des oiseaux, où je respire mieux le parfum de la terre humide, des feuilles, des troncs d’arbres. Bientôt une ville ou un village. J’y serai l’étranger. Ici, un autre langage domine. Il est plus qu’utile de la comprendre et d’en maîtriser l’écrit, sinon il est impossible de s’y voir mêler, d’y être pris en compte. On n’y existe pas, réellement. Seulement sous la forme d’une idée qu’on se ferait de ce qu’on n’a jamais rencontré autrement que dans l’effroi d’un ailleurs hostile. Dans le tableau qu’on avait toujours admiré, l’œil se met à observer un détail, une ombre qu’on n’avait jamais vue. C’est évident. Ce n’était pas là avant. On s’approche. Et pourtant, c’est bien incrusté. Ça devait l’être mais je ne l’avais pas remarqué. Ou c’est l’œuvre d’un faussaire. « Non, non ! L’analyse que j’avais faite ne tenait pas compte de cette tache. Je parlais d’une autre globalité, lorsque je disais tant de beauté. Si j’avais vu cela, je n’aurais parlé que de cela ». La voix se lève contre l’usurpation. C’est une irruption dans le réel. Une contrefaçon. « Il n’y a rien de légitime là-dedans ». Et tout tombe. Le temps de se remettre. Il faut vider le sac d’ordures. J’ai été bombardé toute la journée. Jusqu’au mépris que je supporte encore. « Mets-toi là, fais ci, fais ça ». Je passe la porte. Je tente l’oubli immédiat. C’est si difficile que je tourne en rond pendant plusieurs heures avant de revenir à mes propres préoccupations. J’enclenche le compte à rebours. Il a voulu détruire l’happy end, saccager le désir même de s’être mis en scène à l’intérieur de sa propre fiction. Il faudra tout emporter, revenir sur chaque pas. Tout cela ne fait que prendre de la distance. Sous la forme d’un rapport d’enquête. Voilà ce qui se passe : nous sommes harcelés. Nous nous harcelons. Nous nous constituons en petits groupes pour nous harceler. Les rôles sont distribués à l’entrée, puis plus rien ne change. À chaque étape de la vie. Impossible de transformer ces visages, d’adapter ces tenues, à travers lesquelles se lisent comme dans un livre ouvert nos piètres conditions. Alors, le supérieur le perçoit. Il le voit et l’entend. Il a un ton assuré mais ce n’est pas le bon. Il est le seul à ne pas le savoir. Comme un chien dans un jeu de quilles. Limite si ce n’est pas l’odeur qui témoigne des cafés avalés au comptoir, des cafés angoissés plongeant le regard dans les écrans animés, quand il faudrait tout inverser, puisque eux aussi ne font que relater ce qu’on leur a dit. Ils ont juste un droit de parole convenu d’avance. Rendons tout anonyme et nous ne ferons pas la différence entre ces personnalités qui s’expriment, au nom des horreurs du langage, des « membres d’un peuple », affiliés de fait aux puissances belliqueuses, la marque de l’autorité qu’on n’aurait pas le décence d’interroger, pour nous mentir en permanence, ne faire que masquer les réelles conséquences de l’action, des morts, des morts, des morts, partout des morts, à cause de nous, silencieux. L’humanité qui se tait, consternée. Nous en sommes encore à rejeter nos propres pans, à nous trancher les bras, à nous empêcher de vivre entièrement, et ce silence, lorsqu’il est possible de le faire en nous après avoir tout nettoyer, je ne vois qu’une option à toujours continuer : transformer ces violences en rages textuelles, écrire sur les murs, crier dans un micro sur une basse continue, désarticulée, sur laquelle s’entend l’air ancien n’admettant aucune référence. J’aimerais une détermination simple : qu’on nous explique, qu’on nous traduise, et non qu’on nous transmette sporadiquement les fruits d’une enquête qui aura mis cinq années pour être rendue publique à force d’être constamment reportée, invalidée, délégitimée. « Ah ! Scandaleux ! Voilà donc ce qui se préparait » ou « Ah ! Scandaleux ! Ce meurtre était commandité » et « Ah ! Scandaleux ! Tout ça avec notre argent ! ».

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[DIRECT LIVE] – 019

Ça m’amuse tout de même beaucoup de passer inaperçu dans cette société où le seul objectif semble être de supplanter tout le monde en très peu de temps pour une gloire éphémère. J’ai encore dû rater le coche. Je ne fais pas partie des bonnes catégories. Il faut dire que j’ai tendance à ne faire que rendre public, souvent sans commentaire, l’état d’un être qui n’a pas l’intention de se placer là où il ne devrait pas être ou là où personne ne l’a placé. Je parle en quelque sorte d’inélection. Le plus drôle, c’est de les voir se marrer entre eux avec les anciens qui ont appris à mépriser avec un sourire jusqu’aux oreilles. On avait une sorte de complicité, d’organisation bien ficelée, et surtout, bien sûr : « bravo pour toutes tes nominations ». On n’est pas aux Oscars, connard, mais je remercie tout de même. Surtout, bien sûr aussi, pas un mot sur ce qui se passe, sur la réalité du terrain, non que ça ne l’intéresse pas, mais lui fait partie des privilégiés, sans talent, sans diplôme, intégré parce qu’à l’époque il suffisait d’inviter le maire deux trois fois à dîner et de se montrer admiratif pour toute sa descendance. Ceux-là, oui, vous diront toujours : « C’était mieux avant » et, bien sûr encore : « Je ne comprends plus rien ». Surtout, il faut faire semblant de tout confondre. Et le jour où il faudra expliquer tout cela aux principaux concernés, y serez-vous ? Moi, oui. Et je dirai : « Voilà. C’est très simple. On nous a laissé un trousseau de clés en or. C’est mieux que la fève. Ça s’appelle pouvoir de suggestion et j’ai veillé à ce que cela figure en bonne et due forme dans le compte-rendu de la dernière réunion ». Oui, j’y étais aussi. Comme par miracle, on m’a donné la parole en premier et j’ai dit : « C’est plus qu’une réunion d’information. C’est le lieu où nous discutons ensemble de tous les sujets et que nous nommons notre désir du commun sous la forme d’une sorte de plan quinquennal. Notre hôpital psychiatrique n’est pas un institut privé. L’argent dont nous disposons est le fruit de l’impôt que vous versez et votre droit de regard et d’intervention y seront défendus ». J’ai appris ça en formation. Ah oui, parce que contrairement à ceux qui ont traversé l’ère des intégrations directes à coups de Vous êtes exceptionnels sur six générations, je me suis tapé des années d’études, puis des années de concours, puis des années de paperasse administrative, puis des années de stages de titularisation, puis des années d’échelon minimum, puis des années de gel de l’indice, puis des années de problèmes budgétaires, puis des années d’avis défavorables, mais pour être très honnête, je ne le regrette pas. On nous avait dit qu’il n’y avait qu’une seule chose à conserver de tous nos acquis, qu’un lieu où il faudrait toujours être représentés, et partant de rien, j’ai tout refondé. Dans quelques semaines, ce cher Président, qui supprime les points de l’ordre du jour parce qu’il n’est pas d’accord préférant le tabou, sera devant une obligation de faire. C’est une sommation. Moi aussi, je connais le temps politique. Moi aussi, je connais la valeur de ce qui se passe sur le terrain à longueur d’années. Moi aussi, je sais me taire au bon moment et dire la phrase juste au moment où elle sera inscrite au compte-rendu pour l’éternité. Ici, regardez, c’est encore mieux. Il y en a plein les cartons. Aux archives avec la mention fiction et pourquoi pas une dédicace de l’auteur. Au fond, ce n’est pas très grave si tout cela ressemble à un journal de bord avec colères et indignations récurrentes. Car, voyez-vous, la récurrence en question ne vient pas tellement de la part de celui qui se plaint. Elle est la conséquence d’une autre, de même qu’une violence sociale serait en réponse à une violence savamment administrée. Parce qu’en fait, ça ne s’arrête pas. J’ai cru au début que c’était suite à une absence prolongée, mais c’est tout autre chose. Pas plus tard que la semaine dernière : « Tiens ! Un fantôme ! », et constamment : « Tu viens ce jour-là ? Y a longtemps qu’on s’est pas vus », et comme cela incessamment. Sur le moment, évidemment, j’en rigole. Ça me fait penser à des petits vieux qui radotent et qui vous posent toujours la même question ou vous racontent toujours la même anecdote. Mais quand je rentre, c’est la rage. C’est le fruit de l’agression permanente. Ce sont les marches dans la nuit, le silence en rentrant, et encore ce besoin d’adresser un courrier aux autorités pour dénoncer. Peut-être qu’un jour mes romans arriveront sur leurs bureaux. J’y travaille.

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[DIRECT LIVE] – 018

Je sais que je n’ai aucune place dans un roman. On ne parle jamais de gens comme moi. Si je vous racontais pourquoi, instantanément, j’ai eu envie de partir avec vous, vous perdriez toutes vos chances d’être élu romancier de l’année. C’est ça, ne raconte pas. Déjà que c’est difficile à suivre parce que les dialogues n’ont pas la forme traditionnelle, alors si tu rajoutes une histoire à dormir debout, on ne va pas s’en sortir. Il faut quelque chose de simple dans la trame. Et puis, ne pas oublier que ce qui fait la teneur d’une histoire, c’est la combinaison, la rencontre entre des personnages à l’énergie potentielle surdimensionnée. Quoi, genre Siouper Hiro ? Non, genre le mec qui sort de prison et qui a réuni cinq euros pour passer toutes ses fringues à la machine à laver, assouplissant compris. Il est hyper content. Ça fait des jours que ça ne sort pas de sa tête. Pas un rond pour bouffer, tant pis. L’urgence, c’est que ça pue. Il pue. Il y fout ses baskets. Il est en chaussettes et il est content. Ça va, ça pue pas trop ? Si, ça pue. Ça pue la vieille fringue pourrie et le corps pas lavé depuis plusieurs semaines. Le mec a des dents défoncées, mais il sourit. Et il le dit comme un aveu, tout de suite, pour que les choses soient claires. Je sors de prison. C’était peut-être la première fois qu’il y allait. Du coup, peut-être la première fois qu’il en sortait. La première fois qu’il se rend compte qu’au moment où il en a le plus besoin, y a plus personne, plus d’amis, plus de famille. Ne reviens jamais. Sa mère lui claque la porte au nez. Putain, on fait comment ? Dans la jungle. Le marché est saturé. Pas un poste qui ne soit pas occupé. Tu rentres dans une rame, y a un qui sort et un autre qui attend. Bonjour, excusez-moi de vous déranger, j’ai vingt-cinq ans (toujours mentir sur l’âge), j’ai un enfant en bas âge, il me manque quelques euros pour me payer une chambre d’hôtel (toujours mentir sur le montant), mais lui, il ne cherche pas une chambre d’hôtel, il veut juste quelques euros pour laver ses fringues. Il en a marre de puer. Ça peut toujours commencer comme ça une histoire. Quelque chose qu’on n’attend pas. On fait tout comme d’habitude, c’est lundi, c’est mardi, c’est jeudi. Et puis il y a irruption. Deux personnages se rencontrent. Ça ne va pas durer longtemps, mais l’histoire est tissée. Ayé. On y est.

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[DIRECT LIVE] – 017

Le lendemain, c’est moins fun. Y a des cadavres dans tout l’appartement. Tout ce qui peut servir à quelque chose a servi de cendrier. Ça pue pour la vie, la migraine est atroce, et y en a deux qu’on ne connaît pas. Moi Jane, toi Tarzan. Les présentations sont faites. Et sinon, vous partez quand ? Le voisin est resté. Il persiste, le bougre. Non, parce que, moi, ça m’intéresse, votre idée de tout balancer et de partir. Ok, mais pour Paris on avait un peu déconné. On était un peu bourrés. C’est trop cher. Alors, vous partez où ? Ben, en fait, on part pas. Il y en a quelques-uns ici qui ont quelques responsabilités. Vous dites ça parce que vous ne voulez pas que je parte avec vous ? Hum… Comment te dire ? C’est vrai qu’un voisin, c’est pas mal, mais qu’est-ce que ça nous rapporterait ? Je te la joue manager de la fonction publique. Faudrait une plus-value, tu vois. Qu’est-ce que tu sais mieux faire qu’un autre ? Parce que, tu vois, j’ai rêvé que j’ouvrais un roman dont la première phrase me donnerait envie de l’acheter et de le lire jusqu’au bout, et ça ne commençait pas par : « Le voisin frappa à la porte ». Imagine le délire. Le voisin frappa à la porte. Il était plus de deux heures du matin. On ne l’avait jamais vu dans cet attirail. Un vieux pull tout troué, un bas de jogging, les cheveux hirsutes. Il a tenté la formulation de quelques phrases d’excuse. Je suis désolé… il est tard… j’ai un problème, vous pourriez m’aider… Cela fait deux heures que je tourne en rond. Je sais que vous travaillez dans un hôpital psychiatrique. Vous comprenez… j’habite trop en hauteur. Avoir son appartement au sixième est un appel au suicide tous les soirs quand on a fait le tour des deux pièces, épousseté, fait la vaisselle, et qu’il n’y a rien d’autre. Ce soir, c’est différent. Je sens que c’est différent. Le vent m’appelle. Je n’arrête pas de pleurer. Vous n’auriez pas un somnifère pour m’aider à dormir. Et bien, je suis désolé, mais non, je n’ai pas de somnifères ici, mais si vous prenez rendez-vous avec votre médecin traitant, dès demain, vous en aurez. Il y a même en pharmacie des remèdes que l’on peut obtenir sans ordonnance. Vous avez quelqu’un de votre famille que vous pourriez appeler ? Sinon, joignez un médecin de nuit, ou le SAMU.

Et le voisin s’effondra.

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